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la nation, l’histoire n’est-elle pas l’éducatrice désignée du sentiment national ? Et n’est-ce pas dès lors par un scrupule scientifique excessif que la connaissance des grands événements que nous venons de vivre est maintenue provisoirement hors des programmes ? Parce que la science de ces événements n’est pas faite, dans dix ans nos enfants pourront ignorer les noms de Joffre et de Foch, et ne connaîtront la Marne que comme une rivière, et Verdun que comme une sous-préfecture. Nous recommencerons les igno-rances qui suivirent 1870, mais qui avaient leur excuse dans la pudeur de la défaite. — Ceux qui ont réformé, d’une main si ferme, l’enseignement des langues vivantes, en 1902, avaient coutume de dire que la connaissance d’une langue étrangère doit être non un « savoir, » mais un « pouvoir. » Les Allemands disent, dans le même sens, que l’on « peut » une langue. Mais cette doctrine prise à la lettre ferait de l’étude des langues vivantes comme un corps étranger dans l’organisme secondaire, tel que nous l’avons défini. Cette doctrine a-t-elle depuis suffi-samment évolué, a-t-elle superposé assez de savoir au pouvoir qu’elle se loue, à bon droit, d’avoir créé ? — Les progrès même de l’enseignement philosophique enfin, progrès accomplis dans le sens de la précision et de l’acquisition de connaissances positives, progrès dont l’introduction de la psychologie ex-périmentale dans l’enseignement est l’exemple le plus caractéristique, sont-ils tels qu’on ne puisse par moments regretter cette libération de l’esprit, allant jusqu’à la griserie, que procuraient les nobles spéculations d’autrefois ?

Voilà bien des questions sans doute et, pour des maîtres, passionnantes. Il en est une cependant dont l’intérêt est, en ce moment, dominant ; car de la solution qu’on en donnera dépend toute l’orientation de l’enseignement secondaire : c’est la question du latin. Question de vie ou de mort. Nous voulons dire que les choses en sont venues au point qu’il s’agit de la vie ou de la mort du latin dans un enseignement qu’il constituait, presque à lui seul. — Nous disons : la question du latin ; nous ne parlons pas du grec, parce que, pour lui, quoique notre plume hésite à l’écrire, la question est tranchée. Il faut remarquer d’abord qu’il n’existe pas pour lui la tradition continue du latin. Le statut de l’Université de Paris est peu exigeant à son sujet : il demande que l’on sache « quelque chose » des œuvres d’Homère et de quelques autres écrivains grecs. Ce sont les