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rivaux sans idéal, pour le maître dont le but « est de former des gentlemen, larges d’idées, bien élevés, l’esprit ouvert, dévoués, maîtres d’eux-mêmes, prêts à servir l’humanité. » Le but est indiqué. Quels sont les moyens ? De quoi est faite l’éducation libérale ?

Notre intention n’est pas de passer en revue toutes les disciplines dont l’harmonie com-pose cette éducation. Celles même que des considérations utilitaires ont peut-être introduites dans le concert se trouvent dépasser le rôle qui leur était d’abord assigné. Il n’est pas d’enseignement qui, donné d’une certaine façon, ne puisse servir à l’éducation de l’esprit. Il pourra nous apprendre quelque chose par surcroit. « Tant pis ou tant mieux, comme on voudra. Cela n’a aucune importance. » Cette boutade est d’un savant, M. H. Le Châtelier. Ce qui est important, c’est l’épanouissement de nos facultés auquel il contribue. De ce point de vue, il serait facile de justifier la présence, dans nos programmes, des sciences, de l’histoire, des langues vivantes, même si elles n’avaient pas conquis leur place de haute lutte, et si nous devions, dans l’abstraction de la pensée, et libérés de tout lien avec le passé et la tradition, ainsi que des exigences impérieuses du présent, rédiger un programme idéal, comme autrefois on rédigeait une constitution.

De ce même point de vue, bien des questions se poseraient à leur sujet. Aux sciences on pourrait demander de dégager d’elles-mêmes des humanités scientifiques. Au lieu que leurs programmes s’allongent, ils devraient se condenser, et il en faudrait extraire ce qui est le plus éducatif du double esprit de déduction et d’induction. Problème déjà posé par Fouillée, problème plus facile à poser qu’à résoudre sans doute. On ne voit pas en effet comment interrompre la chaîne des théorèmes et la série des découvertes sans perdre le fil. Il est certain cependant que les progrès croissants de la science et l’impossibilité grandissante d’en faire tenir même les éléments dans un cours d’études forceront à des simplifications, dont le secret n’est aujourd’hui qu’une inconnue de plus. — L’histoire apprend à nos lycéens à se reconnaître et à se mouvoir dans un passé dont elle jalonne au moins les grandes lignes. Elle a pour mission d’éveiller le sens de la continuité, et aussi celui des différences qui séparent les temps et les races. Mais puisque, aussi bien, dans la vie de l’espèce, nous faisons jalousement une place à part à la vie de