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L’IDÉE D’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

L’enseignement secondaire, justement parce qu’il n’est pas sous la dépendance d’exigences déterminantes et pressantes, est celui qui a le plus besoin d’être protégé contre les menaces de dissolution. Il est destiné, par définition, aux enfants qui peuvent différer l’apprentissage d’une technique (il y a des techniques intellectuelles comme des techniques manuelles), et que leurs qualités scolaires désignent pour une prolongation d’études, qui les mettra à même de mieux faire ensuite ce qu’ils feront. Cet enseignement est organisé à part, comme une culture, ne visant aucune application immédiate. Il ne prépare à aucune fonction, sinon à la fonction d’homme. « Les humanités » sont un de ses noms. On l’appelle encore libéral, libéral par ses fins qui sont désintéressées, et par sa méthode qui est un perpétuel appel à la spontanéité de l’esprit, au bon sens, « la chose du monde la mieux partagée, » au goût dont chacun dispute. Il est dit encore classique, ce qui signifie qu’il représente une tradition, et les formes nouvelles d’enseignement ambitionnent ce titre comme une consécration. « Apprendre à penser, c’est en cela, écrivait Anatole France en 1886, que se résume tout le programme de l’enseignement secondaire. » La même chose a été dite sous cent formes. Il n’y a pas là de pédagogie de munificence. Il n’y a pas là, comme les « compagnons » l’ont reproché dans un jour d’utilitarisme, de « dépense somptuaire. » Il n’y a rien de plus démocratique que cet enseignement, quoiqu’il tende à former une aristocratie, puisqu’il la fonde sur des valeurs d’esprit. L’Amérique nous rappellerait l’utilité de ces inutilités, si nous étions tentés de l’oublier. Le président Lowell s’exprime presque comme Anatole France, quoique ce soient des hommes de formation et de tempérament différents : « La guerre a mis en évidence devant nous tous un fait. L’Amérique a un vif besoin d’hommes instruits, trained men. Il nous a fallu alors et il nous faut encore plus maintenant une élite dirigeante... Il nous faut des hommes... qui aient comme fond solide une éducation libérale » Dans un roman intitulé : la Flamme Immortelle, et dédié par lui aux éducateurs du monde entier, Wells prend parti, lui aussi, après l’avoir exposé à toutes les embûches dressées par des