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Des mots sans voix, des trous soudains...
Un rêve, un conte se déroule.
Tu dors avec toute une foule
Immobile sur les gradins.




Non, pour venir à bout du mal qui me dévore,
Renonce à l’assoupir comme on charme un serpent.
Il faut l’emprisonner dans un enfer sonore,
Il faut le vaincre en le frappant.

Abrutis-le d’abord avec de la lumière,
Tâche que sous les coups des réflecteurs brutaux
Il soit comme un lapin qu’assomme une fermière,
Comme un bétail sous les couteaux !

Livre-le pantelant à ces trompettes aigres,
Aux banjos, aux grelots, à la fureur des nègres.
Mais surtout ne le lâche pas,
Car, souvent, quand je crois que sa force est brisée,
Se faisant de ma joie un sujet de risée,
Il ressuscite sous mes pas.




Encore une fois, Eve folle,
Appuie au bras d’Adam, ton compagnon de joug,
Ta petite main molle
Où l’ongle luit comme un bijou.

Des parfums de ta nuque enivrant sa narine,
Tes cheveux courts cernés d’un bandeau d’or ténu,
Appuie, appuie à sa poitrine
Ton sein d’éphèbe à demi nu.

L’air sur vos fronts éclate et flambe
Comme l’éclair qui fend la coupole des cieux.
Enlacez la jambe à la jambe,
Tournez, tournez, fermez les yeux !


FRANÇOIS PORCHÉ.