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Mais l’enfant, malgré tout, veut faire sa partie ;
Il nous prend dans les mains les vieux dés usagés :
Vieux sentiments, vieux préjugés,
Et, lançant des défis au sort irrémédiable,
Où nous avons perdu, lui, croit piper le diable.


III


Non, l’enfer, ce n’est point, dans l’ombre d’un pilier,
Quelque démon qui tire une langue fourchue,
Grimaçant et naïf comme un pauvre écolier :
Le véritable enfer est là, dans la cohue.

Les souffles moisis d’un tunnel,
Les signaux, les sifflets dans la brume poisseuse,
Et, dès le trottoir, la triste berceuse
De ce tournoiement éternel.

L’escalier au ras du sol boit la foule ;
Le feu sans pitié qui luit dans l’ampoule
Ricoche durement sur la rampe de fer ;
Du plafond qui tremble il sort un long râle.
Je te dis : voilà la spirale
Des damnés, c’est ici l’enfer !




Tu remontes. Sur les places
Tu goûtes le vent amer,
Et les pavés sont des glaces,
La rue est un fond de mer.

Encore un fond, jamais d’air libre,
Jamais, quel que soit l’escalier,
Tu n’atteindras en haut le ciel pur, le palier
Où notre sort avec nos rêves s’équilibre.




Le remorqueur écrase au pont
Son panache roussâtre,
Le train siffle, l’écho répond,
Et le ciel est d’un gris douceâtre.