Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 64.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alors, en un clin d’œil, comme on voit un navire
Couler sur une mine avec tous ses agrès,
Etages de coteaux, bordures de forêts,
Larges plans gazonnés, vastes cieux, tout chavire.
Fait-il clair ? Fait-il sombre ? Hélas ! le jour peut luire,
Parfois, comme un flambeau dans un temple désert.
Une lueur, une ombre : ou l’on gagne, ou l’on perd.
Il n’est point d’autre nuit, il n’est point d’autre aurore.
Illusions, rancœurs, tout le passé maudit,
Tout ce que le sang roule, à ce moment bondit,
Comme un peuple de rats sur un plancher sonore.
O misère ! voici, masquant soudain l’azur,
D’horribles souvenirs : un chromo sur un mur,
Le lit défait, les cris dans les chambres voisines.
Voici les hôpitaux, les gares, les usines,
Voici l’enfant malade et le meuble boiteux,
Voici les coups et les reproches,
Et voici les soirs fiers après les jours honteux,
Les beaux soirs où l’on a de l’argent dans ses poches.
Et derrière le bois, invisible et dormant,
Paris au bord du ciel gronde très doucement,
Certain d’avoir repris avant la nuit tombée
Les âmes qu’il lui faut pour sa vaste flambée.

O peloton clair
Qui te rapetisses,
Que de sorts tu tisses,
Lorsque tu fends l’air !

Jouet mécanique,
Une peur panique
Plane au ciel muet
Et sur l’herbe grasse…
Pitié ! fais-nous grâce,
Innocent jouet !

Les voilà, miséricorde !
Qui tournent près du moulin !
C’est le vert qui tient la corde,
Mon favori, mon poulain !