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Mme de La Sablière, s’en aller finir aux Incurables, ainsi l’on verra cette personne, pétrie de toutes les grâces et de tout ce qu’il y a de plaisant et d’heureux au monde, s’en aller achever sa vie à l’ombre du grand beau vaisseau de Notre-Dame, auprès du Chapitre, et dans ce quartier reclus du vieux Reims où ce n’étaient alors, en raison des couvents, chapelles, maisons de piété qui en formaient le domaine, que tintement cristallin des cloches, accents des voix en prières, actions de grâce, appels et répons des chantres. À cela près que les hôtes de la rue Saint-Étienne s’appliquaient à l’entourer de soins prévenants, les Incurables de Mme de Brosses, ce fut cette maison des bons Maucroix.

Auprès d’un Maucroix qui, toute sa vie, s’était montré si souvent enclin lui-même au péché, pécheurs et pécheresses étaient assurés de trouver le réconfort et, par les voies de l’indulgence avertie, de la bon-té prévenante, bien souvent le chemin de Dieu. L’abbé d’Olivet, qui a laissé de M. de Maucroix un portrait touché de la plus fine grâce, a écrit que, parvenu au déclin d’une vie toute remplie d’actions que l’instinct, l’innocence et le cœur avaient guidée souvent plus que d’usage, M. de La Fontaine, effrayé de la corruption au milieu de laquelle il s’était complu si longtemps, s’était tourné vers son ami le chanoine comme vers le seul être qui fût capable de l’entendre et de l’absoudre. « O mon cher, fera savoir, à ce moment, de Paris, ce grand homme, à son bon compagnon demeuré à Reims et que tant de traverses, tant d’orages du monde n’avaient pas ballotté autant, ô mon cher, mourir n’est rien, mais songes-tu que je vais compa-raître devant Dieu ? » Et l’abbé d’Olivet ajoute que M. de Maucroix fut tellement pénétré des regrets d’un homme si supérieur, qu’il garda longtemps, en mémoire de lui, ce cilice qu’on avait trouvé à M. de La Fontaine « lorsque, dit-il, on le déshabilla pour le mettre au tombeau. »

Il est probable que, si l’on fût venu à Reims dans le logis de MM. de Maucroix, chercher, longtemps après que Mme de Brosses fut morte, un témoignage aussi visible de repentir et de conversion, on ne l’eût pas trouvé. Mais qu’avait à faire d’un cilice celle dont l’abattement et la maladie suffisaient à mater la superbe, abattre la mondanité, humilier les charmes et, sous des coups sourds cent fois répétés, éteindre sur les lèvres ce mutin sourire, cette coquette et railleuse douceur