en Champagne, se réfugier auprès du seul ami qu’elle eût au monde !
De stupeur, d’émoi et de crainte, tous ces êtres, réunis de si brusque façon, demeuraient sans parler. Seule, la Sillon, dans la vieille demeure aux dalles claires, aux belles vitres, allait et venait, et Maucroix put voir que diligemment, sur la belle nappe blanche, elle disposait un couvert de plus.
Depuis cette aventure mémorable du retour de Charlotte-Henriette dans sa cité de Reims, un an vint à s’écouler. La vérité, selon des Réaux, est en effet que M. de Brosses laissa « sa femme en Champagne, sans un sou et malade, et lui s’en alla en Touraine où est son bien. » Cela fit que, sans les frères de Maucroix, qui lui avaient concédé une chambre dans leur logis de la rue Saint-Étienne et pourvoyaient à son nécessaire, vouée à l’abandon et à l’oubli, elle fût morte à l’Hôtel-Dieu de la ville de Reims.
Pécheresse devenue repentie, atteinte d’âme et de corps, elle ne tarda pas, consumée d’une fièvre lente, à tomber en langueur. Le pis est, relate Louis Paris, que sous l’empire des maux qu’elle souffrait, chaque jour « emportait quelque chose de cette vivacité d’esprit, de cette distinction de figure qui l’avaient fait rechercher » au temps où elle était hardie, glorieuse, belle et goûtait de la vie tout ce que celle-ci offre d’aimable et de funeste. Inclinée du côté de la religion, son vœu tout d’abord eût été, si ses forces le lui eussent permis, d’entrer aux Carmélites. Mais, aux Carmélites, Bossuet le dira plus tard désignant une autre célèbre recluse, « ce corps si tendre, si chéri, si ménagé, » ce temple exquis du démon, il faut le ployer aux durs travaux, aux besognes les plus viles, les plus basses, comme de laver le linge, étancher l’eau, trier les cendres, récurer la vaisselle, et cela pieds nus, en robe grossière, la corde aux reins, sans abri, sans feu, même l’hiver !
Mais cette dure vie, dans l’état de dépérissement où elle était tombée par suite du mal qui la minait, Charlotte-Henriette n’était pas en état d’en affronter l’épreuve. Et, telle qu’on vit par la suite, à la fin d’une carrière tout emplie des plaisirs du cœur et des joies de l’esprit, la bonne protectrice de La Fontaine,