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bien. Celle-là est une folle, une Cathos, une Madelon ridicule, ne se plaisant, comme une écervelée qu’elle est, que dans la société de ces gens qui sont la coqueluche de Paris et qui passent, comme chacun sait, leur temps en mazarinades, jeux d’argent, parties fines et que l’on aperçoit, tantôt sur le Cours, tantôt sur le Pont-Neuf ou sur la Place Royale, occupés de cabaler, parader, sourire en montrant leurs dents et, devant un monde de flatteurs, se récitant du ton le plus maniéré du monde de petits poèmes aussi frisés que leur perruque ! »

— La jolie société que c’est là, en effet ! dit M. de La Fontaine, et, comme l’amant que vous êtes doit donc éprouver de chagrin à penser aux périls que Mme de Brosses, mé-connue, négligée de son mari, doit courir à Paris !

— Oh ! répondit M. de Maucroix, le mari est méchant, la société mauvaise ! Mais, quelque soin que j’aie pris de le donner à entendre à Mme de Brosses, cette dissipation a des charmes pour elle ! Croiriez-vous qu’un compliment tourné avec art, une œillade bien assénée, des violons qui jouent, des eaux de senteur, de menus cadeaux, un peu de campagne et de liberté suffisent à tourner la tête à cette frivole ? Cela est au point que, quand la marquise de Brosses se trouve dans ses terres des Ardennes, on dit que c’est le jeune comte de Grandpré, son voisin, qui donne des chasses pour elle et qui est son galant. Mais, si c’est à Saint-Cloud où Mme de Roque-laure la conduit quelquefois, on dit que c’est le comte du route ! A propos de celui-ci, ajouta même Maucroix, dont la souffrance à la façon dont il soufflait en parlant était apparente, il faut que je vous conte la méchante affaire que cela fit le jour où, de dépit, Fabry, repoussé par M me de Brosses, s’en alla conter tout au mari. Aussitôt, celui-ci d’ordonner à sa femme de rentrer en Champagne ! Tallemant, qui me l’a écrit et qui l’a vue, dit que, quand la pauvrette partit, elle était si défaite qu’il semblait qu’elle « allât comme à la mort ! » Ah ! monsieur, le misérable ! Savez-vous qu’il voulait la tuer et que, si je n’y fusse allé et ne l’eusse dissuadé et prêché, il la pourfendait !

« — Peste ! monsieur, s’exclama au récit de tant d’extravagances M. de La Fontaine, les romans de chevalerie, les histoires de la Table ronde dont Mme de La Fontaine me rebat-tit si souvent les oreilles, ne me semblent pas plus embrouillés que cela ! Voilà bien des disputes, bien des menaces et bien des épées !