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Mlle de La Fontaine, au lieu de vous accompagner a Reims, est restée à Château-Thierry ? »

Pris au dépourvu par cette question brusque, le Mal marié ne trouva rien à répondre. Les amis gardèrent un moment le silence ; mais le tourment de l’un était aussi fort que l’inquiétude de l’autre. « Ah ! mon ami ! » s’écria seulement M. de La Fontaine. Ce fut sa seule plainte ; il n’ajouta rien ; mais tous deux, — le chanoine et le poète, — ayant la même peine, s’étreignirent soudain. Et c’est alors qu’avec une sorte de volubilité de langage et d’effusion d’amitié, ils se mirent tous deux, s’encourageant l’un l’autre, à parler de leurs coquettes. M. de La Fontaine nomma Poignant, son cousin de Chaury, gaillard avantageux dont les mauvaises langues disaient que Marie Héricart avait fait la conquête. Et, de son côté, le chanoine débonnaire et contrit exhala sa plainte au sujet de tout ce qu’il avait appris de Charlotte-Henriette.

Lasse d’être devenue, presque malgré elle, l’épouse de ce chasseur de fauves, de ce brutal et roux Actéon qu’était le marquis de Brosses, la piquante et belle Diane ne s’était pas, paraît-il, fait faute, tant à Paris que dans ses terres des Ardennes, de coqueter le plus imprudemment du monde avec des bellâtres. Toutes ces folies, c’était, d’ailleurs, au dire de Tallemant, elle-même qui en informait Maucroix. Ce der-nier, au regard de Charlotte-Henriette, surtout depuis le mariage contracté avec le marquis, n’était pas tant resté l’ami que le confident, le conseiller, ce n’eût pas été trop peut-être de dire le confesseur.

Un drôle comme Fabry, qui l’avait vue enfant et qui, dit-on, avait été un peu épris de la mère, Mme de Joyeuse, tentait-il, par esprit de famille, de se rapprocher un peu trop vivement d’elle, aussitôt, par le messager qui partait de Paris pour Reims sur le pont Notre-Dame, la nouvelle épousée le faisait savoir à Maucroix. De même la fois où ce jeune seigneur, semblable au Pyrame de Théophile, rendu fou de passion, s’en vint se jeter à ses pieds et la supplia, lui montrant un poignard, qu’elle daignât lui en percer le cœur ! Tout cela, le chanoine le savait. Il savait ses fréquentations chez les précieuses, chez les frondeuses, chez les coquettes, chez les sottes.

— Il y a une Mme de Roquelaure, s’écria même Maucroix racontant la chose à La Fontaine, avec qui elle est du dernier