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proche la maison du Corbeau, sous les fenêtres de Charlotte-Henriette, en donner le concert. « L’un des compagnons des plaisirs de M. de Joyeuse le père, homme affreux, roux, brutal et qui ne rachetait ses difformités et ses vices par aucune qualité aimable, » tel était, se-lon l’historien Walkenaer, ce Thiercelin, marquis de Brosses, que les Joyeuse avaient connu à Reims, lors des réjouissances données par cette ville en l’honneur du duc d’Enghien, et qu’avec une légèreté bien digne de telles gens ils devaient, — peu de temps après la mort de Lénoncourt, — offrir pour époux à leur charmante fille.

Dépité, meurtri, frappé dans sa plus chère espérance, il semble que Maucroix, pour employer une expression de Champagne, cherchât d’abord d’enfiler la venelle, c’est-à-dire d’esquiver, en quittant sa cité de Reims, la rencontre du marquis de Brosses ; c’est dans ces circonstances que, se souvenant de son fidèle ami M. de La Fontaine, il s’était en quelque sorte enfui à Château-Thierry. Mais on sait bien qu’il en est dans la vie ainsi que dans les fables : après tant de traverses, tant d’orages, les pigeons reviennent toujours vers le pigeonnier ! Cependant, quel singulier, triste et charmant retour, c’avait été pour M. de Maucroix, — après un tel exil, — de revenir de Chaury à Reims par les pentes vineuses, M. de La Fontaine qui n’avait pas voulu le laisser aller seul, toujours de belle humeur, décidé à prendre femme, lui, le pauvre Maucroix, ne mettant plus d’espérance que dans le canonicat ! Vingt-huit ans ! Et voilà qu’il était chanoine ! Mais être chanoine, en ce temps-là, ce n’était pas une chose si dure. « A cette époque, écrit Louis Paris, l’un des biographes de Maucroix, le titre de chanoine n’impliquait pas, pour ceux qui le portaient, la nécessité d’une vie de retraite et d’abnégation. »

Le plus souvent simples prébendiers, les chanoines n’avaient pas toujours reçu les ordres. En réalité, ils portaient un titre, jouissaient de bénéfices, mais n’étaient pas astreints, comme les autres religieux, à l’observance d’une exacte discipline. De là bien des distractions, bien des loisirs. On sait comment Maucroix occupait ceux-ci : le jardinage, un peu de musique, beaucoup de belles-lettres, et, quand cela se trouvait, la conversation. « Les affaires graves, disait de lui-même à propos le nouveau chanoine, ne sont guère mon fait. » Quatre petits tours de préau, une lecture d’Horace, un badinage innocent avec des