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« La première faveur qu’il en eut, dit Tallemant, après avoir représenté François de Maucroix s’attachant à Mlle de Joyeuse, fut de lui baiser la main. » Plus tard, alors qu’ils se trouvèrent être presque du dernier bien, elle ne lui donnait « qu’un baiser sur les yeux. » Si bien que c’est là au milieu de tant d’histoires surprises à l’impromptu, entre vigne et guéret, dans un chapitre où il semble que tout pépie et roucoule au bosquet de Cham-pagne, une aventure singulière, à peu près chaste et des plus tendres.

Tallemant a montré sans ambages de quelle façon cette liaison débuta, et c’est là que nous apercevons le petit dameret, le petit jobelin qu’était Maucroix à ses débuts, bien moins déluré qu’on ne pourrait croire, un vrai double de La Fontaine, pour parler comme Sainte-Beuve, mais à vrai dire timide et craintif, « plus libertin de paroles et d’écrits que d’action et de pensées, » tel était le futur cha-noine au moment où M. de Cany, homme de bonne maison chez qui le père de Maucroix avait été intendant, l’introduisit chez les parents de Charlotte-Henriette.

Le narrateur des Historiettes nous donne bien à entendre, et nous l’avons dit, que ceux-ci « n’étaient pas des gens très réguliers. » En vérité, la fille avait toute licence, et, dit Tallemant, en désignant Maucroix, « comme ce garçon était bien fait, avait beaucoup de douceur et beaucoup d’esprit, » qu’il composait des vers et écrivait des lettres aussi bien que personne, « à quinze ans, elle eut de l’inclination pour lui. « Il faut ajouter que tout cela, par l’ambition que les parents avaient de marier richement leur fille, n’alla pas aussi bien qu’un penchant aussi marqué l’eût laissé supposer d’abord. Ce n’était pas que Maucroix offrit moins de dons naturels qu’un autre. A vrai dire, au regard d’un bossu comme Godeau, d’un garçon laid à faire peur autant que Pellisson, Maucroix était un muguet fort aimable à considérer. Mais enfin, qu’était un galant de cette sorte, aussi pauvre d’écus que de situation, à côté des damerets de grande famille, affublés élégamment, parés, musqués, coquets, l’épée au poing, le panache en tête et dont les salons de Reims, les ruelles de Champagne, à l’instar des chambres bleues de Paris, se montraient aussi étourdis que peuvent l’être, en un pays pétillant de bons vins, les assemblées les plus extravagantes de sots et de coquettes ?

Il suffit en effet que le petit comte de Lénoncourt, d’une