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à dire, ou, plutôt à répéter, celui d’un saint prélat qui n’aimait pas les moines et qui avait accoutumé de dire que s’il y avait jadis de grands moines, il n’y avait plus présentement que des moineaux. M. le marquis de Brosses, s’exprimant de la sorte par dépit, raillerie ou simplement sottise, eut le don de réjouir beaucoup les dames. Mme de Joyeuse, sa belle-mère, pensa en le considérant que M. de Guise, non pas celui qu’elle avait chéri, mais l’ancêtre, tout balafré qu’il fut, ne devait pas présenter cette laideur ; Mlle de La Fontaine, un peu effrayée, se demanda si ce n’était pas là Barbe-bleue ? Mais Charlotte-Henriette, à l’aspect de ce mari hirsute, au poil fauve, un peu roux et qui faisait la grimace en voulant sourire, pensa un moment mourir à force de pouffer.

Une place précisément était libre à son côté, devant le tapis de jeu ; il fallait bien que quelqu’un l’occupât pour achever le reversi, et c’est ce qu’elle exigea en obligeant Maucroix à s’asseoir auprès d’elle.

C’est ainsi, dit Tallemant, qui semble insinuer qu’à la suite de ce mariage avec M. de Brosses il y eut quelque froid entre elle et Maucroix, qu’elle « renflamma » ce dernier. Mais était-il besoin de ces hardiesses ? Et le seul sourire aigu, malicieux de jeune faune qui errait sur les lèvres de Charlotte-Henriette ne suffisait-il pas, plus que tout au monde, à ranimer, dans le cœur du chanoine, cette cendre assoupie et cette flamme qui couvait toujours !


III. — MAUCROIX ET MADEMOISELLE DE JOYEUSE

« La date de cette fleur de Maucroix (la fleur de son souriant et fin talent), son beau mo-ment poétique, a écrit Sainte-Beuve, est vers 1647 et un peu auparavant. » C’est en effet antérieurement à ces épisodes du mariage de La Fontaine et de son admission au Chapitre de Reims que l’ami de notre faiseur de fables avait connu Charlotte-Henriette et l’avait aimée ; et ce n’était pas tout à fait une fable que cela, mais un fabliau des plus impromptus et des plus doux. Les détails de cette liaison de sentiment, Louis Paris, Walckenaer les ont relatés dans leurs ouvrages ; mais le premier, bien avant eux, Tallemant, Gédéon Tallemant, sieur des Réaux, le compagnon de notre chanoine, son ami au moins autant que La Fontaine, s’était plu à s’y attarder.