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tirait de l’Astrée, le roman de d’Urfé, « les images champêtres qui lui sont familières et qui sont toujours d’un si bel effet dans la poésie. » Mais La Fontaine a composé un opéra de l’Astrée. Lisez-le : vous verrez quelles « images champêtres » ont, ce jour-là, passé dans ses vers. Il y a sans doute chez La Fontaine un poète champêtre, qui trouve des accents infiniment gracieux, mais il y a aussi un poète campagnard.


C’est ainsi que ma Muse, aux bords d’une onde pure,
Traduisoit en langue des Dieux
Tout ce que disent sous les cieux
Tant d’êtres empruntants la voix de la nature [1].


Il n’a pas besoin d’aller loin pour écouter « la voix de la nature, » pour découvrir les paysages, les bêtes et les gens qui vont amuser ses yeux, enchanter son imagination et remplir ses ouvrages.

Un beau matin d’été, il s’en va visiter son « petit domaine, . » la ferme de la Tueterie, dite aussi de La Fontaine-au-Renard, un bien patrimonial qui, peut-être, a donné son nom à la famille des La Fontaine. Elle est perchée sur un coteau de la rive gauche, et sise en la commune de Chierry.

Il a passé le pont, traversé le faubourg d’Outre-Marne, franchi sur le pont-levis le fossé Malingre (qu’on appelle aujourd’hui la fausse Marne), et le voici dans la prairie qui borde la rivière, « une prairie verte comme fine émeraude [2]. »

Il suit la berge et contemple la Marne dont le cours lui paraît l’


Image d’un sommeil doux, paisible et tranquille [3].


Il flâne. Sur la rive opposée, un héron fait comme lui.


Un jour, sur ses longs pieds, alloit je ne sais où,
Le héron au long bec emmanché d’un long cou.
Il côtoyoit une rivière.
L’onde étoit transparente ainsi qu’aux plus beaux jours.
Ma commère la Carpe y faisoit mille tours
Avec le Brochet son compère [4].

  1. Épilogue au livre XI des Fables.
  2. Psyché.
  3. Le Torrent et la Rivière.
  4. Le Héron.