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Nous nous trouvâmes seuls : la pudeur et la crainte
De roses et de lis à l’envi l’avoient peinte.
Je triomphai des lis et du cœur dès l’abord ;
Le reste ne tenoit qu’à quelque rose encor.
Sur le point que j’allois surmonter cette honte,
On me vint interrompre au plus beau de mon conte :
Iris entre : et depuis je n’ai pu retrouver
L’occasion d’un bien tout prêt de m’arriver.


La fâcheuse Iris qui vint troubler la fête, c’était, — Tallemant l’a conté, — la légitime épouse de La Fontaine. Quant à la légère Philis, elle s’appelait Mme de Coucy et était abbesse de Mouzon, dans les Ardennes. Les incursions des troupes espagnoles l’avaient obligée de chercher refuge à Château-Thierry. La malencontreuse apparition d’Iris la força de retourner dans son abbaye ; mais elle invita le galant à venir achever chez elle l’aventure interrompue. La Fontaine savait que des partisans battaient encore la cam-pagne ; il n’aimait pas l’odeur de la poudre ; il déclina l’invitation dans une charmante épitre :


Très révérende mère en Dieu,
Qui révérende n’êtes guère,
Et qui moins encore êtes mère,
On vous adore en certain lieu
D’où l’on n’ose vous l’aller dire[1].


Il avoue qu’il redoute les Rocroix : ce sont les Espagnols de Montal :


<poem>J’aurois beau dire à voix soumise : « Messieurs, cherchez meilleure prise ; Phœbus n’a point de nourrisson Qui soit homme à haute rançon. Je suis un homme de Champagne Qui n’en veux point au roi d’Espagne ; Cupidon seul me fait marcher. » Enfin j’aurois beau les prêcher, Montal ne se soucîrait guère De Cupidon ni de sa mère. Pour cet homme en fer tout confit Passe port d’Amour ne suffit[2].

  1. Lettre à M. D. C. A. D. M. v. 1 et suivants.
  2. Ibid., v. 13 et suivants.