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VI. — DE QUELQUES « GENTILLES GALOISES »

De « gentilles galoises, » il y en avait à Château-Thierry, comme à Reims, comme il y en eut partout et toujours pour Jean de La Fontaine. C’est lui qui a dit :


J’ai suivi des beautés de toutes les façons[1].


On a rapporté bien des anecdotes où il fait figure d’un amant, tantôt timide, tantôt har-di, toujours distrait. Ecoutons-le, dans une de ses élégies[2], nous conter les premières amours de sa jeunesse.


Amour, que t’ai-je fait ? dis-moi quel est mon crime ?
D’où vient que je te sers tous les jours de victime ?
…………
J’aimai, je fus heureux : tu me fus favorable
En un âge où j’étois de tes dons incapable ;
Chloris vint une nuit ; je crus qu’elle avoit peur.
Innocent ! Ah ! pourquoi hâtoit-on mon bonheur ?


Après Chloris ce fut Amarille :


Amarille m’aimoit ; elle s’étoit rendue
Après un an de soins et de peine assidue.
Les chagrins d’un jaloux irritoient nos désirs ;
Nos maux nous promettoient des biens et des plaisirs.
La nuit que j’attendois tendit enfin ses voiles,
Et me déroba même aux yeux de ses étoiles ;
Ni joueur, ni filou, ni chien ne me troubla.
J’approchai du logis : on vint, on me parla ;
Ma fortune, ce coup, me sembloit assurée.
« Venez demain, dit-on, la clef s’est égarée. »
Le lendemain l’époux se trouva de retour.


Après Amarille, Philis. Notons qu’entre Amarille et Philis, La Fontaine s’est marié ; mais cette circonstance n’a pas changé son humeur.


……… Elle est un peu légère ;
Son cœur est soupçonné d’avoir plus d’un vainqueur.

  1. Les Oies de Frère Philippe, v. 24.
  2. Élégie II.