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amis le pressaient de se ranger et de choisir un état ; il n’avait de goût ni pour la robe, ni pour l’épée : il fut d’Église.

Il hésita sans doute avant de prendre un parti. Là-dessus on a raconté que, ne sachant auquel entendre, il avait consulté La Fontaine et, que ce dernier, pour toute réponse, lui avait envoyé et dédié la fable du Meunier, son fils et l’âne. On a aussi remarqué que La Fontaine s’était marié au moment même que son ami devenait chanoine, qu’en cette circonstance, il dut, lui aussi, subir les avis des donneurs de conseils, si bien que la fable ferait allusion aux perplexités de Maucroix et aux siennes. Quoi qu’il en fût, les deux amis sautèrent le pas à la même heure : l’un prit femme, l’autre prit abbaye. Chacun, d’ailleurs, fit en sorte que sa chaine lui fût légère.

C’est La Fontaine lui-même qui dans son conte des Rémois nous dira toutes les raisons qu’il avait de priser la patrie de François Maucroix :


Il n’est cité que je préfère à Reims :
C’est l’ornement et l’honneur de la France ;
Car, sans compter l’Ampoule et les bons vins,
Charmants objets y sont en abondance.
Par ce point-là, je n’entends, quant à moi,
Tours ni portaux, mais gentilles galoises,
Ayant trouvé telle de nos Rémoises,
Friande assez pour la bouche d’un Roi.
Une avait pris un peintre en mariage,
Homme estimé dans sa profession ;
…………
Très bon époux, encor meilleur galant [1]
…………


Ce peintre, ami de Maucroix et de La Fontaine, était Jean Hellart, artiste estimable, qui fit beaucoup de portraits, décora beaucoup d’églises et beaucoup de châteaux. Il eut quatorze enfants, ce qui prouve que La Fontaine ne le complimentait pas à la légère d’être « très bon époux. » Il avait du bien, et possédait, près du parvis de Notre-Dame, une belle maison où les trois camarades devisaient gaillardement... De quoi ? le sujet du conte des Rémois le laisse à penser.

  1. Les Rémois, v. 1 et suivants.