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remontrances de Pellisson ; mais celui-ci qui le connaît bien, le défend contre les reproches de « Damoiselle Courtoisie. »


Mais, Damoiselle Courtoisie,
N’en soyez point si fort saisie,
La Fontaine est un bon garçon,
Qui n’y fait point tant de façons ;
Il ne l’a point fait par malice ;
Belle paresse est tout son vice ;
Et peut-être, quand il partit,
A peine était-il hors du lit [1].


On le voit, la réputation du « bon garçon » était déjà bien établie dans ce joyeux cénacle de beaux esprits.

A Reims, il va retrouver Maucroix qui, sous les arbres de son jardin, lui confie ses essais poétiques, ses amours et ses peines.

Après avoir tenté la fortune au Palais et rimé quelques élégies, l’aimable Rémois est re-venu dans sa ville natale et est entré dans la maison du lieutenant du Roi au gouvernement de Champagne. Il gère les affaires du mari, il chante des brunettes que Mme de Joyeuse accompagne sur le luth ou la harpe, et il s’éprend de la fille, Henriette-Charlotte, qui a quinze ans. Il est payé de retour, mais jamais M. de Joyeuse ne consentira à une mésalliance, et Henriette-Charlotte est promise à un gentilhomme lorrain, M. de Lénoncourt. Celui-ci part pour la guerre, et est tué d’une mousquetade au siège de Thionville. Voilà les deux amants de nouveau réunis, jusqu’au jour où les Joyeuse font épouser à leur fille Tiercelin marquis de Brosses, un affreux brutal au poil roux.

Douleur de Maucroix. On a dit que, désespéré, il s’était alors décidé à entrer dans les ordres et à acheter la première prébende vacante dans le chapitre de la cathédrale de Reims. Conjecture un peu romantique et qui s’accorde mal avec ce que nous apprennent des mœurs de l’aimable chanoine et ses poésies et ses lettres et les Historiettes de son ami Tallemant. Ce n’était pas se condamner à une existence de renoncement et de pénitence que de se faire pourvoir d’une prébende : toute la vie de Maucroix l’a bien montré. Il était à l’âge où parents et

  1. Cité par M. Louis Roche (Vie de Jean de La Fon-taine).