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Strasbourg. Cette question avait été examinée, dès 1915, dans un mémoire très complet qui fut alors adressé au Grand Quartier Général ; l’auteur de ce mémoire est aujourd’hui un des maîtres de votre Faculté des Lettres, un de ceux qui veulent bien me faire place auprès d’eux. Ce fut alors, que, Pierre Bucher et moi, nous conçûmes le projet d’une Société des Amis de l’Université. Au bout de trois années, tout devait s’accomplir comme nous l’avions prévu : l’Université est maintenant une des premières de France, et ses Amis travaillent sous la présidence du Président Poincaré. C’est aussi en 1915 que, pour la première fois, je me suis dit qu’il me serait infiniment agréable de faire un cours à Strasbourg ; je me le suis souvent répété pendant et depuis la guerre.

J’ai cependant hésité avant de demander cette faveur au Conseil de l’Université. Dans les mois qui suivirent l’armistice, l’enseignement de la littérature française a été inauguré par un maître éminent dont tout le monde admire la vaste érudition et le goût délicat. Je sais avec quel empressement non seulement les étudiants, mais tout le public lettré de Strasbourg suit les leçons de M. Cohen, de M. Gillot, de M. Lange. D’autre part, je connaissais le dessein qu’avait formé mon illustre ami Maurice Barrès, de réclamer votre hospitalité et de vous apporter la somme de ses recherches et de ses méditations sur le Génie du Rhin. Je n’ignorais pas que M. le lieutenant-colonel de Witt-Guizot avait l’intention de venir, à cette même place, tracer un tableau synthétique de la guerre… Tout cela était fait pour me décourager ; je pouvais craindre de passer ici pour un intrus et un présomptueux. J’ai passé outre, j’ai voulu quand même réaliser le rêve que j’avais conçu, il y a six ans. Je vous remercie, vous tous qui m’avez permis de le faire, vous M. le Recteur, qui m’avez montré tant d’amicale bienveillance, vous, mon cher ami, Christian Pfister, dont j’ai depuis si longtemps éprouvé l’affectueux dévouement, vous enfin, messieurs les professeurs, à qui je dois l’honneur de pouvoir me dire aujourd’hui l’hôte de l’Université de Strasbourg.


Pourquoi ai-je pris Jean de La Fontaine pour sujet de nos entretiens ?

La Fontaine est né à Château-Thierry, le 8 juillet 1621 : dans quelques semaines la petite cité champenoise fêtera le