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anniversaire de la Marne et de l’Independence Day, les premières divisions que je vis défiler, sur un plateau voisin de Gondrecourt, avaient une allure magnifique. Un an plus tard, presque jour pour jour, le général Pershing, qui, pour attaquer l’ennemi dans le secteur de Saint-Mihiel, s’était mis spontanément, avec une modestie charmante, sous les ordres du général Pétain, conduisait l’armée américaine à la victoire, et libérait des villes et des villages lorrains qui gémissaient depuis quatre ans sous le joug de l’envahisseur. Une nation qui a fait un tel effort, pour défendre son prestige dans le monde, pour maintenir sa puissance commerciale et, en même temps, pour sauver les grandes idées de droit et de liberté auxquelles elle est attachée, ne sera jamais incapable de le recommencer. Peu importent les alternatives politiques et le jeu des partis. Les mêmes causes produiraient, à l’occasion, les mêmes effets. Il n’y a plus d’Atlantique, ou du moins l’Atlantique, loin de séparer l’Amérique de la France, les rapproche. Les distances sont supprimées. Ayons soin de ne jamais rien faire qui les puisse rétablir.

Il ne s’agit pas, d’ailleurs, de nous présenter aux États-Unis, pas plus qu’à l’Angleterre, en posture humiliée et en tenue de suppliants. Ce n’est pas seulement notre dignité qui nous commande de garder toujours et partout la conscience de notre force et le respect de notre renommée. Notre intérêt bien entendu nous ordonne lui-même de ne pas nous diminuer. On viendra d’autant plus à nous qu’on saura notre collaboration plus précieuse. Ce serait la pire maladresse que de paraître mendier des amitiés et d’oublier ce que nous sommes, ce que nous valons et ce que nous pouvons. Ne paraissons pas l’ignorer, lorsque nous parlons à ceux aux côtés de qui nous avons combattu ; ne paraissons pas l’ignorer surtout, lorsque nous parlons à nos anciens ennemis.

Voici que certaines gens, qui n’ont pas la clairvoyance de M. Raoul Péret et qui croient à la conversion de l’Allemagne, commencent à nous dire en douceur : « Il nous faut désormais moins de fermeté que de souplesse et de séduction. La politique des gages est finie. L’Allemagne a accepté l’ultimatum. Le Reichstag a approuvé le langage et le programme de M. Wirth. Nous avons en face de nous un gouvernement honnête et bien intentionné. Arrangeons-nous pour lui faciliter sa tâche. » Et ces mauvais conseillers ajoutent plus bas : « Puisque M. Wirth tient tant à la Haute-Silésie, cherchons une transaction qui lui donne, au moins, devant le Reichstag, une apparence de succès et qui fortifie son cabinet. » A n’en pas douter, le gouvernement