Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/954

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans toutes les autres villes de ces quatre pays amis. Mais l’intérêt fortifie encore la gratitude. Ces nations, dont les unes ont tout à faire pour s’organiser, dont les autres ont de nouvelles provinces à administrer, n’ignorent pas qu’elles ont besoin de calme pour affermir leur autorité, et elles sont les premières à redouter un retour de l’impérialisme germa-nique. Elles sont donc, à tout le moins, orientées dans le même sens que nous. C’est ce qu’a très justement indiqué M. Aristide Briand à la Chambre, dans la discussion à laquelle a donné lieu, le 7 juin, le traité de Trianon.

Pour ajouter à la solidité des accords signés ou préparés, M. Benès a pris une précaution supplémentaire. A Londres, il a obtenu de la Commission chargée d’étudier les amendements au pacte de la Société des Nations, que l’article 21 fût modifié de manière, non seulement à permettre, mais à faire encourager et même approuver par la Société les accords internationaux favorables au maintien de la paix. Et, sans doute, à l’heure présente, l’abstention des États-Unis enlève à la Société des Nations une grande partie de sa puissance efficace et, tant que n’aura pas été trouvée une combinaison qui ralliera les suffrages de l’Amérique du Nord, l’institution restera infirme et à demi paralysée. Telle qu’elle est cependant, elle représente une force pour la politique française. Les succès qu’ont obtenus, dans les dernières réunions, MM. Léon Bourgeois, René Viviani et Gabriel Hanotaux, ne sont pas purement oratoires. Ils révèlent la profondeur des sympathies qui nous unissent à toutes les nations latines, la fidélité des sentiments que nous gardent les Belges, les Serbes, les Roumains, les Tchèques, les Polonais, la sincère amitié que d’anciens pays neutres ont eux-mêmes pour la France. Ce serait folie à nous que de dédaigner ces précieux concours. Pris individuellement, il est possible qu’ils n’apparaissent pas comme présentant l’avantage des grandes alliances. Mais ils peuvent se grouper et faire masse. M. Noblemaire, député, représentant le gouvernement français à Londres dans les derniers débats de la Société des Nations, a donc été fort bien inspiré, lorsqu’il a défendu la proposition de M. Benès. Il ne faut pas que la regrettable expression du traité de Versailles, « Principales puissances allies et associées, » nous fasse perdre l’Europe de vue.

Ne répudions aucune de nos amitiés, ne troquons pas celles qui nous sont acquises contre celles qu’on peut nous promettre, et nous verrons (s’il faut mesurer les tailles), que trois ou quatre petits amis peuvent parfois nous servir à mieux garder les grands. On nous recherchera d’autant plus que nous serons plus forts, par nous