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en flirtant avec des nations qui avaient été nos ennemies, sans prendre garde que nous risquions de mécontenter et d’inquiéter celles qui s’étaient battues à nos côtés. Livrées à elles-mêmes, ces dernières ont compris qu’elles avaient intérêt à se grouper et elles ont formé cette Petite Entente, dont M. Take Jonesco, ministre des Affaires étrangères de Roumanie, est venu expliquer le mécanisme dans une conférence à l’Université de Paris et dont il cherche aujourd’hui encore à élargir les bases.

Excellente leçon pour les grands alliés. Ils se sont laissé devancer par leurs petits frères. Le jour même où va paraître cette chronique, le 15 juin, les conventions militaires, déjà conclues entre la Tchécoslovaquie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, ainsi qu’entre la Tchécoslovaquie et la Roumanie, doivent être complétées et mises au point par les états-majors intéressés. Reste à établir une entente directe entre le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Roumanie. M. Take Jonesco s’y emploie, sous les auspices de M. Benès, ministre des Affaires étrangères de Tchéco-Slovaquie. Tous deux sont des hommes d’État qui ne reculent pas devant les responsabilités et qui sa-vent prendre des initiatives. Si la Roumanie et la Yougo-Slavie peuvent arriver à un accord sur le Banat de Temesvar, un grand pas sera fait dans la voie d’une alliance véritable. D’autre part, bien que la Pologne n’ait encore noué des liens qu’avec la Roumanie, et bien qu’elle demeure encore séparée de la Tchéco-Slovaquie par des restes de malentendus, elle commence à concerter, le cas échéant, son action avec la Petite Entente, et il se forme ainsi peu à peu, suivant la juste expression de M. Jacques Bardoux, « un bloc oriental, » disons même « oriental et central, » sensiblement plus homogène que le bloc occidental.

Or, en une occasion récente, ce groupement à la naissance duquel nous avons dédaigné de présider et qui est sorti, sans notre assistance, de la force des choses, vient d’agir dans le sens de la politique française. La Petite Entente et, avec elle, la Pologne ont fait à Vienne une démarche pour avertir le gouvernement autrichien qu’elles considéreraient comme une violation des traités toute tentative de rattachement à l’Allemagne. Cet exemple nous montre assez clairement le grand intérêt qu’a la France à garder le contact avec les peuples dont elle a travaillé à assurer la résurrection, la délivrance ou l’agrandissement. Je sais, comme président de l’Alliance française, le chaleureux accueil qui est fait, depuis la guerre, à nos conférenciers et à nos professeurs, à Prague, à Varsovie, à Belgrade, à Bucarest, et