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de prison et effectivement incarcérés. Amnistié ou gracié quelques mois plus tard, M. Wesnitch fut nommé ministre à Rome, puis à Paris, et depuis 1904, il n’a quitté cette dernière légation que deux fois, en 1906 pour devenir Président de la Skoupchtina et ministre de la justice, et du mois de mai 1920 au mois de janvier 1921, lorsqu’il fut appelé par la vigilante sagacité du prince Régent à présider le gouvernement serbe. Pas-sionnément dévoué à la grandeur de son pays, M. Vesnitch savait cependant apporter, dans le règlement de toutes les questions qui intéressaient la Serbie, une modération, une sagesse et un sens de l’à-propos, dont peuvent témoigner tous ceux qui ont eu affaire à lui. Pendant la première guerre balkanique de 1912, pendant les négociations de Londres, pendant les nouvelles hostilités en 1913, et, depuis lors, pendant la terrible crise de 1914, pendant la retraite serbe, pendant la préparation de l’expédition de Salonique, il a fait preuve d’autant de tact que de loyauté. C’est, en grande partie, à sa clairvoyance qu’est due la signature du traité passé à Rapallo entre son pays et l’Italie. MM. Giolitti et Sforza, d’une part, M. Vesnitch, d’autre part, ont sacrifié, dans cette convention diplomatique, beaucoup de leurs reven-dications respectives et, en se résignant à cette transaction, ils ont les uns et les autres mécontenté, en Italie et en Serbie, quelques patriotes intransigeants. Mais ils ont vu plus loin que le moment actuel et ils ont travaillé, tout à la fois, pour les relations futures de leurs deux peuples et pour la paix générale.

Le rapprochement de l’Italie et de la Serbie n’a pas seulement rendu Gabriele d’Annunzio à la littérature, ce dont personne ne se plaindra et ce qui va, sans doute, nous valoir sous peu un magnifique discours sur Dante, pour faire pendant à celui que M. Maurice Barrès a prononcé, le 2 juin, à la Sorbonne. L’accord de Rapallo a, en même temps, permis à la France de concilier désormais sans effort des amitiés qui lui sont également chères. Nous avons beaucoup trop négligé, depuis l’armistice, les nations que nous avions contribué à créer ou à agrandir. Une des conséquences les plus fâcheuses de la méthode qu’on a suivie, depuis le jour où a été constitué, d’abord, le Conseil des quatre, puis le Conseil suprême, c’est l’élimination de Puissances qui nous étaient toutes très favorables et qui, en maintes circonstances, auraient pu nous aider à faire triompher nos vues. Nous les avons, parfois systématiquement, tenues à l’écart des délibérations les plus im-portantes et nous sommes restés seuls en tête-à-tête avec nos grands amis, qui étaient aussi parfois nos grands rivaux. Nous avons même, l’année dernière, poussé plus loin la maladresse,