Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/943

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elles ont prouvé seulement que le « choc » produit par les sérums injectes était un choc colloïdoclasique causant dans l’organisme une perturbation physique, nullement spécifique. Cette violente réaction modifiait l’équilibre humoral d’une manière défavorable aux agents pathogènes et favorable aux réactions défensives de l’individu. Tout ceci, pour un peu vague que ce soit encore, établit une fois de plus le caractère purement physique et en quelque sorte mécanique, du choc hémoclasique et achève de le différencier nettement des phénomènes spécifiques des intoxications chimiques ou microbiennes.

Ces conceptions si originales et ces faits ont conduit récemment le professeur Widal et ses collaborateurs à une belle application physiologique et médicale dont il me reste à dire un mot.

Ils ont découvert dernièrement et exposé à l’Académie des Sciences une fonction nouvelle et jusque-là ignorée du foie, à laquelle ils ont donné le nom de fonction protéopexique du foie et qui consiste en ceci : le foie oppose une sorte de barrière d’arrêt aux substances albuminoïdes insuffisamment détruites par la digestion, et que la veine porte, sans cette barrière, déverserait dans la circulation en produisant, — puisqu’il s’agit d’albumines hétérogènes, — une crise hémoclasique. Au moyen d’expériences réalisées sur des animaux après un repas riche en albuminoïdes, ils ont constaté qu’en abouchant directement la veine porte à la circulation générale (de façon à éviter au sang chargé des produits digestifs la traversée du foie), on observe au bout de quelques minutes la crise hémoclasique, et notamment l’abaissement de plus de moitié du nombre des globules blancs. Cette expérience, recoupée avec beaucoup d’autres qui la contrôlent, prouve que la controverse depuis longtemps pendante entre les physiologistes, pour qui les albumines non encore digérées peuvent franchir la bar-rière intestinale, et ceux qui le nient, doit être tranchée en faveur des premiers.

Ces recherches fournissent d’autre part, — et ceci est important au point de vue médical, — un nouveau moyen de déceler les altérations pathologiques du foie et l’insuffisance hépatique. En faisant absorber au sujet un repas albuminoïde (par exemple 200 grammes de lait), l’examen de son sang manifestera que son foie est lésé ou non, selon que l’on observera ou non très peu de temps après l’ingestion de ce lait, la crise hémoclasique et notamment la diminution marquée du nombre des globules blancs.

Ces résultats ouvrent une voie nouvelle à l’étude et à la découverte précoce des maladies hépatiques.