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que c’est par un processus physique et non chimique, par une intervention dans l’équilibre du sang, et non dans sa composition chimique, qu’interviennent ces substances. C’est l’arrangement, non la nature des molécules sanguines, qui est modifié.

Il était tout naturel d’essayer d’une méthode curative analogue dans les maladies que l’expérience a montré, — nous l’avons vu, — être des chocs analogues au choc anaphylactique. Effectivement, dans le traitement de l’asthme et de l’hémoglobinurie paroxystique, etc., on a obtenu d’excellents résultats par l’injection de sérums ou de substances albuminoïdes hétérogènes. On peut se demander, comment le « choc » produit par ces substances peut empêcher un malaise qui est lui-même un choc ; comment une injection qui modifie l’équilibre sanguin peut guérir un déséquilibre sanguin. Il y a à cela diverses explications possibles, et on conçoit très bien, si j’ose risquer cette analogie, qu’un choc donné sur un meuble dont les pièces sont mal jointes puisse, selon sa force et sa direction, consolider ce meuble ou au contraire achever de le disloquer. C’est une question de dosage expérimental.

Dans un grand nombre d’infections cette thérapeutique a été essayée, souvent avec succès, mais comme, employée sans discernement, elle peut être dangereuse, nous conclurons avec le professeur Widal lui-même que « la variabilité inexplicable de ces effets, l’impossibilité de prévoir la violence parfois extrême de ces réactions, doivent faire réserver son emploi à des cas exceptionnels pour lesquels toutes les thérapeutiques sont restées impuissantes et dont la gravité autorise toutes les espérances. »

Les cas sont d’ailleurs nombreux où, dans des situations désespérées (fièvre puerpérale, méningite cérébro-spinale, grippe infectieuse), le « choc » ainsi provoqué a été le salut. Mais encore un coup, la période des tâtonnements n’est point encore franchie ici, et il appartient à l’avenir seul de systématiser cette méthode.

Il n’en est pas moins vrai qu’elle explique de la façon la plus simple certains résultats thérapeutiques, au premier abord extraordinaires, obtenus notamment pendant la grande épidémie de grippe infectieuse de l’autre année. Certains malades à toute extrémité ont été sauvés brusquement (alors que, dans d’autres cas semblables, le résultat était nul) par des injections de sérum antidiphtérique, ou antitétanique, ou antipesteux. Ces guérisons in extremis ne prouvaient nullement, comme certains ont cru pouvoir l’affirmer un peu à la légère, que les malades avaient la diphtérie, le tétanos ou la peste.