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même aux admirateurs : on le dira un jour « le général le plus civil de l’armée » ; il est, en attendant, un jeune officier plus civil que beaucoup d’autres. Certes passionné, violent, avec des côtés rudes et forts, car il ne sort point édulcoré de toutes ces études, Corse encore mal francisé, mais sans cette sauvagerie qui, aux yeux des historiens de l’âge précédent, le destine à tout briser. Simplement le goût et le sens de l’autorité : la révolte intérieure devant l’humiliation du Roi au 20 juin, au 10 août 1792, et n’allant au jacobinisme de 1793 que par une sorte de sympathie instinctive pour l’action forte.

Grand chef, il se révéla tel en Italie, stratège infaillible, vainqueur en toutes rencontres, oui. Mais si Sorel le saisit déjà à Mombello dès 1798, en attendant Campo Formio, traitant avec les souverains italiens, brassant les grandes affaires, réglant les grands conflits, il est homme d’Etat déjà autant qu’homme de guerre et aussi passionné pour son métier civil que pour le militaire. Et tel il est apparu en Italie, tel il apparaît en Egypte entre l’Institut d’Orient et les divans du Caire.

C’est bien pourquoi la nation l’attend et c’est là que le prend Albert Vandal.

« Coup d’Etat militaire ; » les estampes ont popularisé la légende : les bonnets des grenadiers dans l’Orangerie de Saint-Cloud, les soldats déchirant de leurs éperons les toges des représentants du peuple, la légalité écrasée par la force soldatesque, tous ceux qui ont lu Vandal savent ce qui reste de cette fantasmagorie. Coup d’Etat préparé contre un gouvernement sans légalité depuis le 18 fructidor, par un groupe d’hommes politiques, de membres de l’Institut et de financiers qui, — précisément contre à gré d’un haut Etat-major de généraux plus ou moins hostiles, — entendent porter au pouvoir certes le plus prestigieux des soldats, mais parce que, à l’Institut, il apparaît comme « le plus civil de l’armée, » coup d’Etat qui, si j’ose dire, reste civil jusqu’au bout, — oui jusqu’à la minute même où, à la réquisition du propre président du Conseil des Cinq Cents qui, à la vérité, est Lucien, on voit pénétrer dans l’Orangerie pour en expulser un groupe d’agitateurs sans idées, non point du tout de vieux soldats d’Italie, fanatiques de leur général, mais ces quelques gendarmes du Directoire qui ont déjà servi au 18 fructidor et achèvent, par une opération de