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collectives, s’étaient unies au Roi par un accord tacite et spontané, dont le loyalisme était l’âme.

Dans une Europe divisée par la lutte des deux puissances, l’Empire et le sacerdoce, cette nation représente l’équilibre. Elle bataille sans trêve contre l’impérialisme allemand, qui prétend imposer à l’Europe une unité toute différente de celle que la France aime et réalise, une unité de contrainte et non d’harmonie ; elle l’abat, avec l’aide de la papauté. Mais, lorsque la papauté rêve de compléter l’unité spirituelle du monde chrétien par une unité politique et juridique, Philippe-Auguste et Philippe le Bel opposent à la théocratie pontificale l’affirmation énergique des droits du Roi et la distinction des deux pouvoirs, temporel et spirituel.

L’équilibre, chez elle et au dehors, telle est la caractéristique de cette société féodale, qui atteint son plein épanouissement au XIIIe siècle. Par ses clercs et ses moines, par ses soldats et ses politiques, par les maîtres de son Université, par ses pèlerins, par ses artistes, par ses croisés, la France règne sur l’Europe, en régnant sur les esprits : « Notre grandeur n’est pas faite de la sujétion des peuples. L’impérialisme de la France ne peut être que l’universalité de sa culture, non une domination de chair, mais un service de l’esprit. » C’est précisément parce que notre XIIIe siècle posséda cette vertu spirituelle, qu’il mérite d’être tenu pour l’un des âges les plus grands qu’ait connus l’humanité : grand non seulement par les richesses qu’il nous a léguées et par les institutions qu’il a créées, mais aussi par les sentiments et par les idées dont il a enrichi notre âme, le sentiment de l’honneur, l’esprit chevaleresque, le culte de la liberté et de l’obéissance. Les pages où M. Imbart de la Tour a défini ce triple idéal, moral, social et chrétien, comptent parmi les plus belles de son œuvre : nul n’a senti et caractérisé comme lui tout ce que contient d’humain, de français, d’éternel, cet acte de foi dans la valeur de la personne, épuré par une mystique du dévouement qui ennoblit la force en la mettant au service de la faiblesse, disciplinée par une mystique du droit d’où naîtront les plus précieuses des libertés modernes, et qui trouve en Dieu son fondement ultime, la règle du bon usage de l’autorité et de la liberté. Cet ordre harmonieux s’est exprimé dans un héros, saint Louis, qui est l’incarnation parfaite de la France féodale : ce roi fut un saint, d’une sainteté tout à la fois humaine et divine,