25 décembre 496, à Reims, il fait entrer les Barbares dans l’Eglise, il soude tous les fils d’un même sol dans une foi commune, il indique au peuple français son rôle, et décide de l’avenir de notre histoire. Après lui, durant un siècle, se poursuit l’œuvre d’unité, de consolidation et d’expansion qu’il a inaugurée. Et si l’Etat franc s’effondre cent ans plus tard, il se reforme avec une dynastie nouvelle, celle des Carolingiens, qui reconstitue le territoire, arrête la marche de l’Islam, brise le germanisme, assure l’ordre par la coopération de l’Eglise et du patronage, du principe chrétien et du principe féodal, complète l’organisation spirituelle par l’organisation juridique, et lègue à l’histoire un monde, la chrétienté, qui pourra bien, après la mort de Charlemagne, se dissoudre en une multitude de souverainetés locales, mais qui restera le modèle sur lequel devront se façonner tous les régimes à venir. Le grand nom de Charlemagne domine cette époque : il en est comme le centre de perspective. Autour de lui tout s’ordonne ; notre moyen âge tout entier procède de lui. C’est avec justice que nos trouvères du XIe siècle firent de lui le symbole du plus pur patriotisme, fondé sur le service du droit et la croisade contre l’infidèle, et célébrèrent en lui le grand ouvrier de l’universel, l’apôtre de l’idéal, en même temps que le défenseur de la douce terre de France, de la terre des vivants et des morts, de la « patrie. » Avec M. Imbart de la Tour, nous saluons en lui l’homme, plus grand peut-être que Napoléon, qui fit « franchir à l’humanité une de ses étapes. »
Représentant d’un ordre supérieur, qu’inspire un idéal chrétien et romain, Charlemagne avait rompu avec la conception germanique du pouvoir : dès lors, l’autorité ne sera plus attachée à la propriété, qui en est seulement la conséquence et le signe ; elle sera regardée comme un pouvoir moral : régner, c’est servir ; la souveraineté n’est qu’une délégation de Dieu, détenteur de tout droit, qui la légitime et qui la limite du même coup ; et l’exercice de cette souveraineté, aussi bien que l’obéissance qui lui est due, se trouve réglé par un contrat, le contrat féodal, qui n’est qu’un échange de services entre les hommes et leur chef, patron ou seigneur, et qui repose sur la foi donnée et reçue. L’Empereur a la gérance, non la propriété, de la chose publique : sa fonction est une et inaliénable comme la fin qui la crée ; et cette fin, c’est le bien de tous. Aussi les