jardin, son potager et sa cuisine. Elle avait le secret, ou la recette, de certains plats, qu’elle apprêtait elle-même. Que de fois ne l’ai-je pas surprise, le matin, vêtue d’un peignoir, et tournant une sauce comme elle filait un son, avec la même adresse et peut-être avec plus de plaisir. Brûlée de plus de feux qu’elle n’en alluma, voilà ce qu’on ne dira jamais d’elle. Tranquille, sereine, alors même qu’on était ému par elle, — j’ai dit comment, — rien ne paraissait l’émouvoir. Avant le dernier acte de Faust, au moment de s’étendre sur son grabat, quelqu’un l’entendit soupirer : « Allons, encore un petit moment, et puis on ira faire dodo. » Et comme je lui parlais un jour de Mozart, des Noces et de Chérubin, de l’adorable Chérubin qu’elle avait été naguère : « Oui, n’est-ce pas ? c’est amusant ! c’est amusant ! » Elle n’en dit pas davantage. « Voi che sapete... » Qui saura jamais comment il est possible de chanter ainsi Mozart, et de parler de Mozart ainsi !
Je n’ai fait qu’entrevoir la Patti deux ou trois fois, en des circonstances banales. Mais je garde un souvenir assez vif de quelques jours passés avec Christine Nilsson. C’était au Mont-Dore, où des amis communs nous réunissaient volontiers. Un soir il m ‘arriva de jouer au piano des fragments de la Flûte enchantée, où Nilsson avait triomphé jadis. Elle vit, ou feignit de voir là quelque invite indiscrète, et, d’une voix sèche, avec un éclair dans les yeux, ses yeux de la Reine de la Nuit : « Vous avez beau faire, je ne chanterai pas. » .Je ripostai, sèchement aussi, que je n’aurais garde de l’en prier, désireux que j’étais de rester sur mes souvenirs d’autrefois. Alors, se levant tout d’un coup : « Attendez, je vais les rajeunir. Accompagnez-moi seulement. » Et d’une voix plus pure, plus éclatante que jamais, toute la soirée, elle chanta. Nous étions réconciliés. Peu de jours après, nous chevauchions côte à côte dans la montagne. Un groupe de promeneurs la reconnut au passage. « C’est la Nilsson, » fit l’un d’eux. En riant, elle se retourna sur sa selle. Une fusée de notes étincelantes jaillit de ses lèvres, et fièrement elle reprit : « Oui, c’est la Nilsson ! »
Pour désigner une chanteuse de théâtre, les Italiens disent communément une « prima donna » . Ce beau nom, trop beau pour la plupart, une Gabrielle Krauss entre toutes mérita de le porter. Aux Italiens, à l’Opéra, jusqu’au terme de sa longue carrière, elle exerça vraiment sur la scène lyrique une sorte de