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« Nuevos mediterraneos. » Un autre musicien latin, un Espagnol, un Catalan, me remerciait un jour d’avoir trouvé dans sa musique des « nouveautés méditerranéennes. » Felipe Pedrell est son nom, et ses deux principaux ouvrages, ignorés du public français, s’appellent Los Pirineos et la Celestina. J’en ai parlé naguère avec admiration aux lecteurs de la Revue. Aux directeurs de nos théâtres lyriques, je les ai signalés et recommandés, en vain. Je crains fort de ne jamais les entendre. Jamais non plus je n’en ai vu ni je n’en verrai l’auteur. Mais autant que l’artiste, l’homme, depuis vingt ans, par ses lettres, m’est familier. Pour celui-là comme pour un Verdi, l’on ne saurait avoir de trop nobles paroles, si grande est la noblesse de son âme. A l’étranger, à l’inconnu qui l’avait compris, il a témoigné constamment, avec une excessive gratitude, une sympathie qui m’honore. Il m’a fait partager ses plus intimes pensées, ses espérances comme ses déceptions, ses joies et, — trop souvent, — ses douleurs. Un jour, m’envoyant sa partition des Pirineos, il me priait d’accueillir ces « quelques notes fugitives, mais pleines de Dieu, d’amour pour la patrie, et de cette religion de l’art en laquelle s’unissent tous ceux qui sont dignes de le comprendre... Béni soit Dieu qui nous a donné des cœurs pour sentir, pour aimer, pour espérer ! »

Peu à peu la vie personnelle et familiale de mon correspondant cessait de m’être étrangère. Au chevet d’une enfant malade et qui paraissait près de guérir il m’écrivait : « Dieu est venu me visiter, ô mon grand ami. Priez de toute votre âme afin qu’il ne retire pas de nous sa main sacrée. » Mais peu après, une carte largement bordée de noir m’apportait ces mots, tracés au crayon et d’une main tremblante : « Felipe Pedrell vous demande deux prières : une pour sa fille, morte ! et l’autre hélas ! pour votre malheureux ami qui reste seul en ce monde. » Quelques mois plus tard : « Je reviens à la vie. qui m’échappait par la blessure de ma douleur, parce que j’ai pu revenir au travail qui régénère. »

Autant que de la musique, le musicien se fit toujours de la critique musicale une idée, ou plutôt un idéal très pur. Il veut qu’elle « passe par l’âme d’un vrai poète, d’un divinateur, d’un élu du ciel, d’un super-artiste. » Elle ne saurait « être qu’une œuvre de désintéressement et d’amour. » Elle doit « agir par le cœur sur d’autres cœurs. » Le vrai critique, le seul, est celui