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actes plus que par des phrases. Elle se plaît moins aux effusions qu’aux services. Elle. tient toutes ses promesses, même les promesses électorales, qui ne sont pas communément les plus sûres. Grand voyageur, on a vu Saint-Saëns revenir à Paris, — de très loin, — pour apporter à certain candidat, battu d’avance, l’honneur, même inutile, de sa voix. Dès longtemps (en 1890), il honorait un jeune critique musical, qui l’avait loué, d’une épître humoristique en vers, dont voici quelques strophes :


J’aurais aimé voir quelle mine
Vous faites dans l’appartement
Intime, que divinement
Votre barbe d’or illumine.
………….
O critique trop bienveillant,
Merci pour les feux d’artifices
Allumés par vos maléfices
Pour moi, dans un recueil savant.
…………..
C’est la gaîté, c’est la lumière,
Que vous apportez dans ce lieu,
Bondissant comme un jeune dieu
A la rutilante crinière.
……………
Et je me sens très orgueilleux
Quand votre plume, trop sévère
Pour d’autres, pour moi débonnaire,
M’entoure de mots radieux.


Saint-Saëns encore une fois m’est connu moins par ses propos, — nos rencontres étant trop rares à mon gré, — que par ses lettres. Un de ses billets, vieux de quelque trente ans, montre qu’il se connaît lui-même. En 1892, il m’écrivait ceci : « Oui, classique je suis, nourri de Mozart et de Haydn dès ma plus tendre enfance. Je le voudrais, qu’il me serait impossible de ne pas parler une langue claire et bien équilibrée. Je ne blâme pas ceux qui font autrement. Comme Victor Hugo parlant de certaines innovations poétiques, je trouve certains procédés très bons, — pour les autres. »

Elle abonde, cette correspondance, en anecdotes comme en jugements sur la musique et les musiciens. Un de nos confrères ayant prétendu que Chopin n’avait exprimé que l’amour