avec un grain d’encens, que les dédicaces de Massenet, ou ses moindres lettres. Il terminait volontiers, celles-ci par des formules de ce genre : « Votre fervent ami, » « Chèrement à vous, » « En chère amitié, » ou bien, sur le mode lyrique : « Ce matin je vous écris cela... Pourquoi !... Pourquoi pas hier ?... Pourquoi pas toujours ? » Au coin de son feu, lisant un livre sous la lampe, il interrompait sa lecture pour écrire à l’auteur : « Merci du bonheur que vous me donnez en ce moment ; » ou encore : « Je voudrais vous voir... de suite... pour vous exprimer la profonde joie que vous me causez. » On » se disait à soi-même, avec Rossini : « Excusez du peu. » On faisait mieux que l’en excuser, sans trop y croire.
Il était fidèle, en amitié. Après vingt-cinq ans, il m’écrivait encore : « Ah ! la rue Saint-Guillaume ! Les « quatre mains » du Cid avec vous, devant les vénérés parents ! » Et les « quatre mains » aussi des Scènes alsaciennes, cette « suite » charmante que tous deux également, à nous deux, nous avons tant aimée, et que le souvenir d’un tel partenaire, autant que le charme de l’œuvre, me rend à jamais aimable ! Plus d’une fois, pendant et depuis la guerre, je les ai reprises, les quatre esquisses pittoresques de Massenet. Elles tiennent dans le cadre d’un dimanche d’Alsace. Avec autant de couleur, elles n’ont pas moins de poésie et quelquefois elles ne nous émeuvent pas moins que certains contes, alsaciens aussi, d’Alphonse Daudet. Le second tableau s’appelle Au cabaret, et le troisième est intitulé Sous les tilleuls. Le quatrième et dernier s’achève, à la nuit tombante, par une sonnerie, — hélas ! alors lointaine, — de clairons français. Les tilleuls ! Les Allemands nous en ont-ils assez parlé, de ces arbres-là, comme s’ils ne poussaient, ne fleurissaient, n’embaumaient que chez eux ! Et quant à nos clairons, le jour est enfin venu où ce n’est plus seulement dans la musique de Massenet que l’Alsace a la joie de les entendre.
Après un Massenet, un Saint-Saëns. D’autres encore avec eux, un Gounod, un Verdi. Tous, même les morts, vivent en notre mémoire. Pour oublier telle ou telle inimitié obscure, c’est assez, plus qu’assez, de tant d’illustres amitiés. Quand je veux me représenter l’auteur de Samson et Dalila, j’entends me le rendre présent, j’ouvre un portefeuille gonflé de ses lettres. Toutes témoignent de son intelligence, de son esprit ; plus d’une aussi de son cœur. Mais son amitié se prouve par des