plein et agréable, » une physionomie sage et spirituelle, un œil pourtant bien plus petit que l’autre. »
Il s’excusa d’être obligé par sa charge de faire paraître la cause « aussi claire et aussi facile à décider » qu’elle semblait la veille « obscure et incertaine. » Il rappela que la sentence des requêtes du Palais, non seulement autorisait le prince de Conti à prouver par témoins la démence de l’abbé d’Orléans et par conséquent la nullité du second testament, mais encore préjugeait la validité du premier. Avec une magnifique abondance d’arguments juridiques, il prouva que le premier testament n’était pas caduc, et que le second ne pouvait le révoquer ; parce que « les propres arguments de Mme de Nemours devenaient des présomptions contre la sagesse du testateur, » et que « l’effet naturel de ce doute était le désir de l’éclaircir par une preuve qui deviendrait, en ce cas-ci, aussi juste que nécessaire. »
Lorsqu’il traita la question du fidéi-commis contenu dans le premier testament ; lorsqu’il considéra le fidéi-commis en lui-même, lorsqu’il sonda la volonté du testateur et la montra « conforme aux règles inviolables de la jurisprudence romaine ; » lorsqu’il considéra le fidéi-commis joint à la clause codicillaire ; parmi ces matières « les plus subtiles de tout le droit ; » au milieu des citations des empereurs Sévère et Antonin, des juris-consultes Ulpien, Mœcien, Menochius, Raphaël de Cume, Bartolle et Cujas, de la loi Tractabatur ou de l’article 68 de la coutume de Sens Quia consuetudo, on peut penser que les gens de cour, qui formaient une partie du public, ne suivirent pas tous « l’aigle du Parlement » jusqu’aux hauteurs où il planait. Seul peut-être, le prince de Conti était capable de goûter la science infinie, l’art merveilleux de l’orateur, et d’autant plus aisément que cet orateur était pour lui.
L’attention des profanes se réveilla sans doute pendant la seconde partie du discours, au moment où d’Aguesseau, évoquant la personne de l’abbé d’Orléans, représentait aux yeux de l’assistance ce malheureux « qui, suivant le propre langage de Mme de Nemours » (ingrate comme une héritière), avait reçu de la nature « un esprit simple, des inclinations basses, une humeur particulière, une avarice sordide, une légèreté, une inconstance, une instabilité qui ne pouvait être satisfaite que par des voyages continuels. » La portion frivole de l’auditoire dut respirer à ce passage, et sa malignité se plaire à un semblable portrait.