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chemin ; ainsi m’en voilà quitte à bon marché, car je vous assure qu’il ne s’en est pas fallu grand’chose. J’espère vous voir le 13 ou le 14 du mois prochain, pourvu qu’il ne m’arrive plus d’accident. Assurez Monsieur le Prince et Madame la Princesse de mes très humbles respects ; je n’écris à personne qu’au Roi. Vous pouvez leur dire ces nouvelles, puis finir comme Sosie dans Amphitryon :


O juste Ciel ! j’ai fait une belle ambassade ! »


Le 9 décembre, Conti débarquait à Ostende. La paix, conclue à Ryswick avec l’Empereur, le 30 octobre, l’était depuis le 20 septembre, avec les Provinces-Unies, l’Angleterre et l’Espagne. Fatigué de la navigation, il préférait, puisque cela était maintenant possible, achever son voyage par terre.


Ce retour, chacun le commentait à Versailles. Les gens bien informés avaient lu, dans la Gazette d’Amsterdam, le récit des événements de Pologne, le compte rendu de deux lettres adressées au cardinal-primat et à la République : lettres fort courtoises, où le prince de Conti, tout en remerciant ses partisans et en plaignant la Pologne d’être assujettie à des troupes étrangères, disait, non sans hauteur, que, quand on était prince du sang de France, on pouvait se passer d’être mieux, et que, si les Polonais avaient besoin de lui, ils viendraient le chercher. Les courtisans estimaient que Polignac était « entièrement coulé à fond. » Le Roi d’ailleurs avait parlé. A Meudon, le 14 novembre, il avait loué tout haut la conduite de son cousin et envoyé le ministre Torcy dire à sa cousine « qu’il était fâché » de ne pas la traiter en reine, « comme il l’avait désiré, » qu’ils devaient se consoler l’un et l’autre « par le plaisir qu’ils auraient de revoir bientôt M. le prince de Conti. »

C’est le 12 décembre, à huit heures du soir, que le concurrent malheureux de l’électeur de Saxe descendit à Paris de sa voiture de voyage.

Le lendemain matin, à Versailles, il parut, comme le Roi sortait de la messe. Les courtisans le trouvèrent amaigri. Ils virent Louis XIV l’embrasser deux fois, « avec beaucoup de marque d’estime et d’amitié. » Saint-Simon ne manque pas de dire que le Roi était au fond « bien fâché de le revoir, » et que