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qu’ « ils n’ont plus ni trône, ni retraite à lui offrir. » Mais il veut être à l’abri de tout reproche, et il attend. Le petit maréchal de Lithuanie, un Sapieha, lui apporte des lettres de deux autres Sapieha, dont l’un est son père, le grand général et l’autre, son oncle, le grand trésorier. Le grand général demande de l’argent pour les troupes et cinquante mille écus pour lui-même. Conti sait bien que « MM. Sapieha » se moqueront de lui « comme ils ont déjà fait plusieurs fois, » et que tout le reste de la Lithuanie se rallie à son concurrent.

Le 5 novembre, dix-sept compagnies de cavalerie, promises par le staroste Sundiski, ne sont pas encore là. Il n’attendra pas plus longtemps devant une ville qui ose lui refuser les vivres, maltraiter ses gens. Les quelques troupes qu’on a pu lever arriveront trop tard, et les cavaliers saxons marchent sur Lowitz, sur Marienbourg, à dix lieues de Dantzick, sur l’abbaye d’Oliva, située au bord de la mer, à ses portes.

Ni le cardinal Radzieiowski, ni les sept cents gentilshommes de ce prince de l’Eglise, ni l’ambassade de la République n’osent se risquer hors de Lowitz. Ils craignent trop d’être enlevés par les cavaliers du général Brandt. A Dantzick, le maréchal de Lithuanie et le castellan de Kalisch, venus sans troupes, sont d’un faible secours. Ils n’ont pu obtenir du grand chambellan Bielenski le diplôme de l’élection avant la signature des pacta conventa. Cependant l’hiver approche, plus redoutable que toute l’armée saxonne. Quelques jours encore, et les glaces bloqueront l’escadre au milieu de la rade, figeant le prince de Conti dans la triste posture d’un roi nominal, « accueilli de personne, aboyé de tous, » n’osant descendre sur un rivage ennemi.

Dès le 6, la ville de Dantzick, dont Jean Bart, sur l’ordre de Conti, a saisi plusieurs vaisseaux pour se ravitailler et punir les habitants de leur insolence, ferme ses portes. Elle arrête les Français qui se trouvent dans ses murs, quelques-uns naturalisés depuis plus de trente ans, les domestiques et les chariots qui vont à l’abbaye d’Oliva chercher les meubles de Polignac. Le 7, le castellan de Kalisch et le comte Towienski montent à bord de l’escadre ; ils supplient Conti de partir, l’assurent qu’il ne peut compter que sur quatre ou cinq de leurs amis, et se retirent. « Nous nous séparâmes, dit le prince, assez tristement. »