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l’attendrait sur l’escadre du Roi. La ville de Dantzick se déclarait en effet contre lui. Au cours des deux derniers mois, la reine de Pologne, installée chez le maître de poste de Dantzick, n’avait pas désarmé. Pendant quarante-cinq jours, elle avait ouvert tous les paquets adressés de France à Polignac ; et, pour berner l’ambassadeur, elle lui avait envoyé les enveloppes vides. Conti, qui ne reçut d’elle qu’ « un compliment fort sec, » finit même par la soupçonner d’arrêter aussi les lettres de sa femme.

Loin donc de quitter son navire, le prince de Conti y demeurait accablé d’affaires, travaillant, recevant, conférant avec « des gens qui ne l’entendaient point et qu’il n’entendait guère, » voyant qu’il devait s’attendre à un conflit. Mais quels moyens avait-il d’entreprendre une campagne, « bien qu’on lui promît des armées de tous côtés ? . » Sans cesse « la plume à la main, » il écrivait a Louis XIV et à Torcy, expédiait des dépêches à l’abbé de Polignac, dont il s’étonnait de ne pas recevoir la visite, ou lisait des lettres de sa femme et lui répondait longuement. Il traçait un tableau complet de la situation, rappelait combien il avait été sage en jugeant chimériques les espérances de l’abbé de Polignac. Il se repentait déjà de lui avoir laissé toucher une lettre de change de quatre cent mille livres. Le prodigue ambassadeur n’en avait plus un sol. « Ces Messieurs, disait Conti, vont vite en besogne et regardent peu l’avenir. Quant à moi qui y dois plus songer qu’à tout le reste, je serai bien embarrassé, si je ne puis contenter tout le monde avec l’argent que j’ai à ma disposition, quoique, si j’ai à les contenter, il faut qu’ils me contentent aussi et qu’ils me fassent voir que nous pourrions sortir à notre honneur de ce que nous allons entreprendre. Chaque jour me donnera de nouvelles lumières. Toute mon application va à démêler la sincérité de leurs sentiments et si (c’est) l’argent ou la personne que l’on veut... Je ne sais comment je sortirai de cet affaire, mais ce qui est sûr, c’est que j’en sortirai à mon honneur. J’ai bien prévu l’état des affaires de ce pays et depuis que l’on en parle. Je tâcherai de ne pas me tromper davantage à l’avenir. Ce qui m’embarrasse le plus, c’est le titre de roi que tout le monde me donne, Polonais et autres, et que je suis résolu de ne point prendre, que je ne sois sûr de le pouvoir soutenir et que je n’aie reçu ici la députation de la République, ne voulant point me défaire des vaisseaux qu’à bonnes enseignes... Il est vrai