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des autres candidats de se ranger à gauche : il y a deux cent quatorze escadrons à droite, et trente-six à gauche. Déjà les évêques de Cujavie, de Posnanie et de Livonie croient leur candidat saxon perdu ; ils sont remontés à cheval et partis au galop, pressés d’aller cacher leur dépit dans le cloître Saint-Jean. Nul doute que le prince de Conti ne soit roi de Pologne dans quelques instants. A l’étonnement, au désespoir de Polignac, il ne l’est pas. Le cardinal, craignant que l’élection ne soit contestée, préfère attendre, et, pour obtenir cette unanimité que veut la loi polonaise, mettre à profit la nuit qui vient. On la passe à cheval, et, sous le manteau, l’argent circule, l’argent de Saxe, car celui de France est hélas ! à Dantzick. Dix-huit cent mille livres travaillent dans l’ombre pour Frédéric-Auguste. Des cavaliers courent chez le nonce du Pape et ne le trouvent pas tout d’abord.

Déjà, la nuit précédente, sollicité par le castellan de Kulm, il a certifié de sa main qu’il connaissait la signature et le cachet de l’évêque de Javarin, et il a déclaré à plus de trente députés qu’il ne pouvait que s’en tenir à l’attestation épiscopale de Christian-Auguste. Cette fois, il sait qu’on vient lui demander, outre le certificat de sa chancellerie, « l’attestation en original » de l’évêque de Javarin. Il s’est caché dans les jardins du grand maréchal de la couronne, et de là s’est rendu furtivement à sa résidence de Lasdowa. On l’y découvre ; et, pressé par le grand maréchal, il consent enfin à déclarer par écrit que l’attestation du 2 juin est authentique, qu’elle est bien de la main de l’évêque de Javarin. Formule digne de la finesse italienne, qui, tout en paraissant admettre que l’électeur est catholique, n’engage en rien le nonce du Pape, cette attestation est une arme contre le prince de Conti.

Si l’on en croit l’abbé de Polignac, dont le récit n’est pas d’accord avec les relations saxonnes, Conti avait pour lui vingt-neuf palatinats, et Frédéric-Auguste n’en avait que trois. Le cardinal, sans espoir désormais d’augmenter le parti français, proclama roi de Pologne et grand-duc de Lithuanie, François-Louis de Bourbon, prince de Conti.

Accompagné de tout le parti français, il se rendit à Varsovie et se présenta devant l’étroite et haute façade de l’église Saint-Jean, l’église nationale des Polonais. Les portes étaient closes. Pour qu’elles fussent ouvertes, quelques « compagnies de