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de sottises à un homme d’esprit. » Au fond, ce Lanfrey, Savoyard honnête et sincère républicain, était une sorte d’Alceste, en qui « les bouffonneries du sieur Gambetta » devaient trouver un censeur aussi sévère que les « crimes de Bonaparte, » iconoclaste par tempérament qui éprouvait une sorte de joie sombre à « emporter, ainsi qu’il l’écrivait, un morceau d’idole. » Mais son œuvre, qui, d’ailleurs, si elle manquait d’impartialité, ne manquait pas toujours de valeur, arrangeait trop bien les ennemis du régime pour qu’on ne lui fit pas une fortune. Celle-ci était si peu dépendante de la valeur, au surplus très relative, de l’œuvre et de l’écrivain, que la chute du second Empire enleva soudain tout intérêt à l’entreprise, même aux yeux de son auteur.


Le 4 septembre, la dynastie avait sombré derechef. Napoléon Ier était, de par la chute de Napoléon III, débarrassé d’un compromettant patronage. Mais les attaques avaient été si nombreuses et si violentes, que l’effet n’en pouvait aussitôt disparaître. Tout un groupe, très nombreux surtout dans l’Université, faisait siennes, avec une grande candeur dans la haine, toutes les affirmations de Barni et de Lanfrey, de Charras et de Scherer ; de ce groupe nous avons encore connu quelques survivants vieillis, rancis, un peu ridicules encore que parfaitement sincères en leur antipathie, à qui le nom de Napoléon faisait venir l’écume à la bouche ; on affirme que l’espèce n’en est même pas encore entièrement disparue, ce qui est merveille après la restitution que ces cinquante dernières années ont faite de la figure impériale.

Ce qui est certain, c’est que, la chute de l’Empire, libérant encore une fois l’ « Empereur premier, » ainsi que disaient nos paysans, on restait néanmoins méfiant de « l’idole. » Napoléon demeurait suspect. Le comte d’Haussonville, avec une grande conscience dans l’étude et un grand tact dans l’expression, avait, dans des volumes importants, quelque peu discrédité aux yeux des catholiques le « restaurateur des autels. » Les Mémoires qui s’étaient depuis vingt ans publiés se trouvaient être parmi les plus hostiles qu’on eût écrits sur Napoléon : Marmont, Lucien, Metternich. En 1880, devaient paraître encore ceux de Mme de Rémusat, qui avait à satisfaire des rancunes. Tout cela ne créait