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que nous rencontrerons d’autres fois, M. Zoretti, un terrain qui n’a été jusqu’ici que l’objet de défrichements insuffisants. Quand l’exploitation intensive en sera faite, nul doute que la moyenne ne donne des résultats bien supérieurs à ceux d’aujourd’hui. »

Aux arguments tirés de l’idée de justice se mêlent, on le voit, des arguments d’intérêt social. On compare notre méthode actuelle d’exploitation du capital humain (comme on dit dans un langage bien matérialiste) à celle d’un propriétaire qui ne ferait valoir que le dixième de son bien. Il nous faut une utilisation plus complète de toutes nos valeurs, de toutes nos possibilités. On dit encore : à l’entrée des carrières publiques, l’État a le droit de limiter le nombre de places : j’ai besoin de tant d’ingénieurs, de tant d’agrégés, de tant d’officiers. Il n’a jamais le droit de dire : je n’ai besoin que de tant de garçons intelligents. Il doit accepter tous ceux qui se présentent, et même les aller chercher. Notre ennemi d’hier le fait avec sa méthode à lui : neuf cents petits Allemands, désignés d’office par les instituteurs, sont invités et même condamnés à continuer leurs études. Ce qui est mieux, des classes de préparation viennent d’être instituées, au moins à Berlin, pour faciliter le passage du primaire au secondaire. Sans employer la même méthode, l’Angleterre arrive aux mêmes résultats. La population des écoles secondaires anglaises a quintuplé depuis la guerre, par le double effet d’une distribution de bourses plus abondante et de l’enrichissement de la classe ouvrière. La proportion des fils d’ouvriers dans ces écoles dépasse, dit-on, 60 pour 100. Il faut que la bourgeoisie française, elle aussi, en vienne à se dire que les lycées ne sont pas faits pour elle seule.

Toute aristocratie doit se renouveler. Faute de se renouveler, elle s’épuise et se stérilise. Or la bourgeoisie est une aristocratie plus ouverte seulement, et plus propice à ce renouvellement. Il faut donc qu’elle s’y prête. On pourrait dire sans doute qu’il n’y a qu’à laisser faire les choses. Sous la Restauration, les lycées nationaux ne comptaient que dix mille élèves. Par étapes successives, l’enseignement secondaire public a atteint soixante-dix mille élèves, chiffre de l’année 1913, Et il faudrait ajouter la clientèle à peu près égale de l’enseignement secondaire libre. Il y a donc une « démocratisation » automatique.