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un tiers, vivaient de leurs rentes, pour le reste appartenaient à la classe moyenne. Il suffit d’ailleurs, sans invoquer la statistique, que chacun de nous se rappelle son lycée : on y était bien entre petits bourgeois.

D’où le reproche adressé à l’enseignement secondaire d’être un enseignement de classe. On pourrait le définir, et on l’a fait, non seulement par les matières qu’on y enseigne, mais par la nature de la clientèle qui vient recevoir cet enseignement. Et cela explique certaines défiances dont il est l’objet. L’enfant va naturellement à l’école de sa classe sociale. En envoyant ses enfants au lycée, l’ouvrier a peur de les déclasser. Car on peut se déclasser en montant aussi bien qu’en descendant le long de l’échelle sociale. Il a peur de les placer dans un milieu qui n’est pas le leur, où ils seront comme des étrangers, et d’où ils sortiront plus étrangers encore au milieu paternel auquel ils seront rendus, si bien qu’ils auront à souffrir, pendant et après, de ce déclassement.

Cependant il répugne à tous nos instincts présents que l’éducation dépende de la fortune. En prenant possession de sa charge, le ministre de l’Instruction publique du cabinet Millerand s’exprimait sur ce point en termes émouvants : « Je dois avouer. Messieurs, que cette question me passionne, qu’elle est au premier rang de celles auxquelles j’ai rêvé, en arrivant ici, d’apporter au moins un commencement de solution. Je veux me garder là de toute chimère ; je voudrais seulement que l’enfant ne fût pas entravé dans son développement par l’infortune de sa famille, qu’il pût toujours, quand il en est digne, passer du primaire au secondaire, et du secondaire au supérieur. » Quiconque s’occupe d’enseignement en ce moment, et non seulement les individus, mais les congrès, les ligues, les journaux de toute forme reprennent le même thème. Nous épargnerons au lecteur les énumérations et les citations inutiles. Mais voici une belle formule d’un philosophe. « L’esprit démocratique, écrit M. Lalande, c’est l’esprit qui tend à nous faire devenir aussi pleinement que possible les semblables de « nos semblables. » Est-il sûr que l’éducation fasse tout le possible pour cela ? Est-il sûr que l’humanité soit élevée, autant qu’elle le devrait, même dans un pays d’enseignement obligatoire ? « Nous voyons en l’homme, dit l’auteur d’un livre qui a des allures de pamphlet, mais qui est riche d’idées et