des affaires indigènes ; il renouvelle sa demande. Cette fois, elle est accueillie. L’aumônier du Sahara peut se rendre auprès des blessés. On lui donne un burnous, des éperons ; un des mokhazeni lui prête un cheval. A la dernière minute, un des assistants essaye de s’opposer à une aventure qu’il estime insensée :
— Comment peut-on permettre au Père de partir sans escorte ? Il sera tué en route !
— Je passerai, dit le Père, simplement.
— Il passera, en effet, laissez-le aller ! réplique le capitaine du bureau arabe, qui survient à ce moment. Il ne peut pas vous dire cela, mais, lui, il peut traverser sans armes tout le pays soulevé, personne ne portera la main sur lui : il est sacré !
A 10 heures. Frère Charles se met en selle, et part avec le courrier. En chemin, il rencontre deux cavaliers lui apportant une lettre du capitaine de Susbielle qui lui demande de venir immédiatement auprès des blessés. On voyage tout le jour et toute la nuit ; on fait, aussi vite que possible, les 120 kilomètres qui séparent Béni Abbès de Taghit, où on arrive vers 9 heures du matin.
A peine descendu de cheval, et sans aucun souci de la fatigue d’une pareille chevauchée, le Père de Foucauld dit d’abord la messe. Puis il demande qu’on le conduise auprès des blessés réunis dans deux chambres de la redoute, et il commence auprès d’eux sa mission d’ami et de prêtre. Il reste des témoins de cet apostolat du Père de Foucauld auprès des blessés de Taghit, et ces témoins m’ont parlé. Pendant les vingt-cinq jours qu’il passa dans la redoute, le Père de Foucauld, auquel on avait donné la chambre d’un des officiers, ne coucha pas une seule nuit dans le lit qui lui était destiné.
Tout son temps, sauf les quelques heures données au sommeil, — et encore pas toutes les nuits, — sauf le temps de sa messe et des repas très rapides, le Père le consacrait aux blessés. Il causait avec chacun d’eux, leur parlait de leur pays, de leur famille, écrivait leurs lettres. Quand il entrait dans une des chambres de l’ambulance, tous les blessés l’appelaient avec un ensemble parfait : « Bonjour, mon Père ! » et chacun voulait être le premier à recevoir la visite de l’ami de tous. Ils avaient reconnu l’homme qui aime le soldat et le comprend. Certes, ces légionnaires, pour la plupart, n’avaient pas l’habitude de