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les tribus soulevées parcouraient le désert de sablo et le désert de pierre. Le 2 septembre, à 32 kilomètres au Nord de Taghit, et au commencement de la grande halte, c’est-à-dire vers neuf heures du matin, un peloton de la compagnie montée du deuxième étranger, escortant un convoi, fut brusquement attaqué à hauteur d’El Moungar, par une bande de plusieurs centaines de pillards. Ceux-ci, Oulad Djerir, anciens partisans de Bou Amama, après s’être détachés de la harka victorieusement repoussée de Taghit le 20 août, s’étaient embusqués dans la dune, attendant l’occasion de prendre leur revanche. Ils attaquaient le convoi sur un plateau, entre l’oued Zousfana et les grands sables. Les premières décharges des bandits jettent à terre, tués ou blessés, les deux officiers de la compagnie montée, tous les sous-officiers et un grand nombre de soldats. Les survivants se groupent sur un ressaut de terrain, et, sous l’accablante chaleur qui grandit de minute en minute, décident de combattre jusqu’à la mort. Deux spahis, d’un demi-peloton qui complétait l’escorte, peuvent se frayer passage à travers les ennemis, et, au galop de leurs chevaux, courent donner l’alarme à la garnison de Taghit. Une demi-heure après qu’on l’a prévenu, le capitaine de Susbielle sort du poste, emmenant tout son makhzen et des spahis, et se porte, à toute allure, en plein après-midi, au secours de nos soldats encerclés. Il arrive à cinq heures sur le théâtre du combat. Dès qu’ils aperçoivent la poussière que font les cavaliers lancés contre eux, les pillards se débandent et se réfugient dans la dune. Il était temps de secourir les assiégés, réduits à une poignée d’hommes épuisés par la soif. Ils sont là une trentaine, commandés par un blessé, le sergent-fourrier Tisserant, qui a été frappé de deux balles ; ils continuent de tirer sur les Marocains disséminés autour d’eux, cachés derrière les moindres accidents de terrain, et de protéger ainsi, outre leur propre vie, quarante-neuf blessés étendus autour d’eux. Un détachement est envoyé au loin pour apporter de l’eau. Tisserant, la tête en sang, mais resté debout, veut remplir tout son office de fourrier. Il va de l’un à l’autre blessé, établit la liste, ramasse les cartouches et les armes tombées à terre, et, avant de quitter le lieu du combat, fait lui-même à haute voix l’appel des morts. Dans la nuit, quarante-neuf blessés sont transportés à Taghit.

Trois jours après, à sept heures du matin, la nouvelle du combat parvient à Béni Abbès. Frère Charles court au bureau