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inutile d’en donner des exemples : ils abondent, et le mufti hanéfite d’Alger pouvait raisonnablement dire à un de mes amis : « Notre culte est le seul qui soit reconnu par l’Etat français. » Or l’histoire de quatorze siècles, l’expérience quotidienne de tous ceux qui habitent parmi des populations musulmanes, nous apprennent que l’animosité contre le chrétien est, en fait, développée par l’enseignement de la loi coranique. Un des hommes qui font autorité en ces questions, le Hollandais Snouck Hurgronje, disait naguère (1911) dans une de ses célèbres conférences à l’Académie des Administrateurs pour les Indes néerlandaises : « D’après la lettre et l’esprit de la loi sacrée (des musulmans), c’est dans les mesures violentes qu’il faut chercher le moyen par excellence de propager la foi. Cette foi considère tous les non-croyants comme des ennemis d’Allah. Un petit groupe de mahométans se montrent actuellement, il est vrai, partisans de l’adaptation de l’Islam aux conceptions modernes, mais ils représentent aussi peu la religion dont ils sont les adeptes par naissance, que les modernistes, celle de l’Église catholique. On ne trouve pas de divergence, à ce sujet, entre les savants légistes des différentes écoles, aux époques successives. » Nous pouvons conclure de là que tout acte de la puissance publique qui tend à développer l’enseignement du Coran est fait contre nous-mêmes. C’est assez de ne point entreprendre sur la liberté religieuse des musulmans, de leur laisser leur culte et leurs coutumes, d’être parfaitement justes envers eux, et parfaitement bons [1] : en allant au delà, nous sommes faibles, et même un peu plus que faibles.

Lorsque ces vérités de sens commun auront été reconnues par ceux qui dirigent la politique musulmane de la France, que faudra-t-il faire ? Ni notre cœur, ni notre intérêt, ne nous conseillent de restreindre notre ambition à quelque alliance économique, inférieure et précaire, avec les peuples musulmans

  1. On retrouve, dans le droit palestinien des Croisés, des dispositions inspirées, à nos vieux pères, par cet esprit de justice, et par le respect de l’homme religieux pour la parole de l’homme religieux. Ainsi, le serment du Sarrasin prêté sur le Coran, équivalait, devant le tribunal commercial, au serment du chrétien sur l’Évangile, du juif ou du samaritain sur le Pentateuque. En cas de différend entre un Sarrasin et un Franc, le Sarrasin se libérait en jurant sur le Coran (Assises de Jérusalem, t. II, ch. 241 et 60). Exemple d’autant plus significatif qu’en droit musulman ordinaire, le témoignage d’un chrétien ou d’un juif n’est pas reçu contre un musulman.