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« fureur scolaire » qui a fait créer partout, en Algérie, pour les enfants des races primitives qui vivent là, des écoles où il semble que la principale affaire soit d’exalter « la liberté, les droits du citoyen, l’électorat, le tout considéré comme bien suprême. » Idéologie funeste en France, et qui l’est plus encore entre la mer et le désert. Quel résultat devions-nous attendre d’un enseignement si peu adapté ? Celui-ci même qu’il a donné : « L’expérience, d’une manière générale, a montré que, plus les indigènes avaient acquis de culture française, plus ils avaient tendance, en secret ou ouvertement, à nous haïr : cette constatation, évidemment décevante, vient de l’avis unanime de ceux qui ont observé, sans parti pris, les résultats offerts. »

Des publicistes, témoins informés de l’erreur commise, et prévoyant le danger, ont proposé ce remède : que l’enseignement distribué aux indigènes fût désormais tout à fait rudimentaire. Cela n’est point digne d’une nation comme la nôtre. On ne voit pas, d’ailleurs, comment les petits Arabes, demeurés ignorants ou à peu près, nous aimeraient d’autant mieux qu’ils auraient moins appris. Le mal dont on se plaint ne serait pas guéri. Il est dans le principe même de l’éducation donnée. Exaltant les droits de l’individu, et lui offrant, comme une vérité première, l’idée orgueilleuse et fausse d’égalité, il n’est pas étonnant qu’elle développe encore l’esprit d’insubordination de l’Arabe. Elle répand chez les fils le mépris du milieu et de la condition commune, et les pousse à en sortir pour occuper ce qu’on nomme « une bonne place. » Elle prépare ainsi un grand nombre de déclassés qui seront demain des désabusés, après-demain des ennemis irréconciliables de l’autorité française. Enfin, comme elle ne fournit au petit Arabe, pour toute nourriture morale, qu’un ensemble de préceptes sans obligation ni sanction, elle ne peut sérieusement le corriger d’aucun vice. Elle le laisse, muni d’une collection de proverbes, de recommandations d’hygiène et de fragments de discours électoraux, en présence de toutes les passions, de toutes les cupidités, de toutes les tentations de révoltes qu’il a dans le sang, de par son âge, sa race et sa religion. S’il cède, et presque nécessairement il cédera, nous lui aurons fourni le moyen d’être socialement plus dangereux que ses pères, puisqu’il sera plus instruit.

L’autre erreur consiste à favoriser et à répandre l’islamisme. Que nous la commettions, et de propos délibéré, il est