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celles de leur cœur, mais plutôt de celles de leur courage, de leur intérêt, de leur fierté. Il serait faux, et donc dangereux, de croire que, depuis 1914, les populations musulmanes de l’Afrique du Nord se sont assimilées à nous, ou simplement rapprochées de nous, et qu’il y a, entre elles et nous, intelligence, estime, amitié, seuls liens durables.

La faute en est aux hommes, bien différents par l’origine et le talent, mais semblables par l’illusion ou le préjugé, qui ont conduit les affaires africaines pendant le dernier siècle et au début de celui-ci. Ils n’ont pas compris que notre civilisation est chrétienne essentiellement. Certains ont pu rejeter pour eux-mêmes toute religion, ils ne peuvent faire que toute notre histoire ne soit celle d’une nation façonnée par le catholicisme ; que notre sensibilité, nos habitudes, nos mœurs, notre charité, ne proclament pas la foi qui les a formées. S’ils ne reconnaissent pas, dans l’état présent, cette vérité, elle apparaît comme évidente aux musulmans, habitants de nos colonies, qui appellent indistinctement les Français du nom de chrétiens. Ce sont les musulmans qui ont ici raison contre les politiques à bien courte vue. Ils jugent qu’au fond, cette puissance antique, à laquelle la leur s’est heurtée plus d’une fois dans le passé, est demeurée la même. Nous sommes pour eux et nous serons les Roumis. La neutralité proclamée de l’Etat, les actes de persécution, les discours, même les faveurs imprudentes accordées à l’islamisme, ne les empêchent pas de voir que la vocation de la France n’a pas changé. Et d’ailleurs, si jamais, — ce dont il n’y a point d’apparence, — les Français devaient abjurer la foi catholique, nous n’aurions rien gagné auprès des musulmans de l’Afrique, et nous serions devenus, plus sûrement encore, et irrémédiablement, un objet de mépris pour ces peuples religieux.

Une faute de cette sorte, ignorance ou négation des âmes, a des conséquences si nécessaires, qu’en cherchant à nous concilier les indigènes, nous avons souvent travaillé contre notre intérêt. Je n’en veux donner que deux preuves.

D’abord, nous nous sommes trompés en organisant l’école. Les témoignages abondent ; je ne retiens que l’un des plus récents. Dans son numéro du 11 décembre 1920, une revue française, la Renaissance, publiait sur la Politique musulmane un article d’un Africain. L’auteur dénonçait cette espèce de