notre force, et que, malgré quelques témoignages d’un dilettantisme superficiel, elles nous considèrent comme des ennemis.
De là, découle une double nécessité : ne pas trop compter sur la pénétration de nos idées, par exemple des grands principes de 89, pour amener à nous les peuples que nous avons vaincus, mais rester forts et nous montrer forts, sans cesser pour cela d’être justes, ni de respecter tout ce qui peut être respectable dans leurs traditions. Et nous défier sans cesse des mouvements soi-disant modernistes ou internationalistes des autres peuples, ceux qui constituent, sur nos frontières d’Orient, un danger, prendre garde toujours au Mirage oriental. Combien d’esprits éminents s’y sont trompés ! Il leur a suffi d’entendre prononcer certains mots puisés dans notre logomachie politique, pour imaginer que les gens qui les prononcent vont faire leur pays à l’image du nôtre. En réalité, toutes ces jeunesses, soi-disant libérales du Levant, affamées de culture moderne, tendent à l’affirmation plus grande de leur nationalité. Tandis qu’elles prononcent libéralisme, c’est nationalisme qu’elles pensent. Gare à ces surprises dont nous avons déjà trop éprouvé la tragique gravité ! Toute illusion de ce genre nous affaiblit : pas d’illusions ! Tout internationalisme affaiblit : pas d’internationalisme ! Telle est l’erreur que ne cessait de dénoncer, dix ans avant la guerre, l’auteur du Mirage oriental.
De là, sa thèse qu’il faut nous « rebarbariser. » On conçoit, tout de suite, dans quel sens il entend ce terme. C’est dans le sens où l’entendait Hugo, pontife humanitaire s’il en fut, lorsqu’il écrivait en 1841 : « La civilisation, complexe, à la fois délicate et pensive, humaine en tout et pour ainsi dire à l’excès, n’a absolument aucun point de contact avec l’état sauvage. Chose étrange à dire et bien vraie pourtant, ce qui manque à la France, en Alger, c’est un peu de barbarie... La première chose qui frappe le sauvage, ce n’est pas la raison, c’est la force. » Assurément, pas plus que Victor Hugo, Louis Bertrand ne veut dire qu’il souhaite une régression vers des coutumes inhumaines. Il veut dire, tout au contraire, que, si nous voulons conserver notre patrimoine de civilisation et l’accroitre, il faut, entouré de Barbares comme nous le sommes, leur résister avec les moyens appropriés, — fût-ce avec une sauvage énergie. Pour sauver le plus possible d’humanité et d’humanisme, défendons-nous de tout « humanitarisme, » et pour garder les