soient méprisables. On peut être un sociologue ou un « démographe, » sans manier de statistiques, ni afficher un programme. Il y a chez Balzac, — pour ne parler que des morts, — autant d’observations que dans toute une bibliothèque d’Économie sociale, et ni la fantaisie ni le pittoresque de Jérôme Paturot n’empêchent l’œuvre de Louis Reybaud d’être le bilan le plus complet et le plus juste des espoirs et des désillusions de 1848. Les grands coloristes dessinent aussi bien que les autres : si l’on voit moins leur dessin, c’est qu’il y a, aussi, de la couleur. Chez Louis Bertrand, il y a, et cela dès ses premiers livres, une pensée très arrêtée. Laquelle ?
D’abord, une prédication d’énergie. Réagissant violemment contre le nirvanah intellectuel où se complaisait sa génération, il lui a révélé les beautés de la vie active, la vertu tonifiante du labeur manuel, l’équilibre retrouvé de la pensée au contact des peuples jeunes, nouveaux, tout le profit moral qu’on acquiert en défrichant la brousse, en fondant des villes, en reculant les limites du monde habité. Il a ainsi élargi notre horizon. Il a dirigé, vers l’action génératrice de vertus et vers l’observation réformatrice d’utopies, les rêves inquiets de bien des jeunes gens. En leur prêchant l’Afrique, il les envoyait à la meilleure école que nous eussions, avant la guerre, d’esprit d’entreprise et de volonté. Lorrain du Haut-Pays par sa naissance et ses hérédités, et par sa première éducation, sur cette terre foulée par l’envahisseur, semée de tombes, ayant grandi aux récits de l’invasion, il n’a cependant pas cru que le devoir patriotique enchaînât les Français à la terre où dormaient leurs morts. La revanche qui tardait à venir à l’Est, il lui semblait qu’on devait la préparer à la rude école du Sud. Durant la longue paix, nos expéditions coloniales interrompaient la prescription de la victoire. Elles en forgeaient l’outil. Elles en donnaient l’espoir. C’était une victoire déjà, contre l’Allemagne, que notre labeur même pacifique, sur toutes les côtes africaines. On ne s’y trompait pas, de l’autre côté du Rhin. Le jour où les Boches saccagèrent une certaine maison en Lorraine, et en firent un feu de joie, en dansant, aux cris de : « Lyautey ! Maroc ! » ils témoignèrent assez que notre effort, là-bas, n’était pas une force perdue. C’est comme s’ils avaient crié : « Touchés ! »
Assurément, il y a sur le globe d’autres creusets où bouillonne le Sang des races. Au Far West, d’autres peuples nouveaux