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entière dans la parfaite indifférence et même l’ignorance de ce qui compose le tran-tran, en apparence compliqué, en réalité assez monotone, de l’intellectualisme parisien.

Pourtant, les initiés savent que, maintenant, au retour de l’Orient, ce nomade s’arrête parfois plus près de nous, sans quitter cependant le rivage de cette Méditerranée qui luit, à l’horizon, au fond de toutes ses pensées. Au creux des collines ou « Collinettes » qui dominent Nice, dans un fouillis de verdure provençale ou exotique, les gens du pays racontent qu’il y a « un monsieur qui fait des livres. » Ge monsieur, c’est Louis Bertrand. Tels, ces ermites si fréquents sur les sommets de la Riviera, depuis le Fenouillet jusqu’à la Turbie, qu’on trouvait jadis occupés à distiller quelque liqueur des plantes aromatiques de la montagne.

Ce mot de « Nice, » lorsqu’on l’écrit sur l’enveloppe d’une lettre, semble acheminer le message vers un tourbillon de fêtes et de foules cosmopolites. On ne se doute guère, généralement, que, sous ce terme générique, il peut y avoir aussi : retraite, silence, ravins dans les bois. On s’en aperçoit, de reste, quand on entreprend, à pied et sans autre guide que les fallacieuses directives des indigènes, le pèlerinage qui doit se terminer au seuil du romancier. Il faut affronter des faubourgs, traverser une sorte de colonie italienne, puis chercher sa route en tournoyant entre des haies et des murs. La ville, sur le point de finir, projette ses rues en ruelles, ses ruelles en chemins, ses chemins en sentiers, qui montent, montent toujours... Le faubourg redevient campagne, les plantes exotiques, dites « d’agrément, » se raréfient et se perdent dans la foule des essences provençales, françaises, utiles. Des pins, des oliviers couronnent les crêtes. Des vergers, des vaches, rappellent que tout n’est pas décor sur cette côte et que la terre n’a pas entièrement cessé d’y être nourricière.

Puis, comme on s’aventure entre de hautes terrasses à pic et des murs de soutènement appartenant sans doute à des villas invisibles, l’exotisme reprend l’avantage. Un excès de vie tropicale déferle de toutes parts en un fourmillement de plantes épaisses et épineuses, en des retombées de ficoïdes aux griffes vertes et grasses. Il en sort de tous les trous des pierres, de toutes les fissures du rocher. Et par là-dessus, au plus haut des murs, un hérissement d’agaves, une cohue d’arbustes et de