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SILHOUETTES CONTEMPORAINES

M. LOUIS BERTRAND

Les admirateurs de M. Louis Bertrand, — et ils sont nombreux, surtout parmi la jeunesse, — qui veulent connaître l’homme après s’être nourris de l’œuvre, où ils ont puisé comme un renouveau de vie et d’enthousiasme, ne trouvent pas aisément l’occasion de se satisfaire. L’auteur du Sang des Races et de Saint Augustin est une des figures les moins « parisiennes » qui se puissent imaginer. Vainement le chercherait-on aux « générales » les plus retentissantes, — je ne sais même pas s’il a jamais mis les pieds dans un théâtre, — ou dans ce fameux « dernier salon où l’on cause, » indestructible, quoique agonisant, à moins que ce vocable ne soit peu à peu devenu synonyme de « dialogue des morts. » M. Louis Bertrand n’est jamais là, — pas plus que dans sa jeunesse, au temps du Symbolisme et du Décadentisme, on ne l’aurait pu rencontrer dans ces cabarets littéraires où s’édifiaient tant de théories, à défaut de chefs-d’œuvre. Il était là où vivaient les héros de ses livres, où bouillonne et fermente le sang des races, où Pépète se pavane, . où lutta et pria saint Augustin, où saint Cyprien goûta la persécution et la mort. Pendant bien longtemps la meilleure chance qu’on eût de le rencontrer, ou au moins d’avoir de ses nouvelles, était d’aller le chercher parmi les rouliers de la route de Laghouat ou les moukres de Palestine. Car il peignait d’après nature et, dans toute la rigueur du terme, en » plein air. » Et comme ses modèles ou ses motifs étaient toujours à quelques centaines de lieues du XVIe arrondissement, sa vie s’écoula tout