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Enfin, et surtout, ce prétendu Journal n’a pas existé. Saint-Denis n’a jamais varié là-dessus. Toujours il a déclaré, de la manière la plus catégorique, qu’il n’avait pris aucune note pendant toute la durée de ses services auprès de l’Empereur, si ce n’est un Itinéraire de la campagne de Russie, qui d’ailleurs lui fut volé avec son bagage pendant la retraite. Il ne l’a pas seulement dit aux personnes qui, comme Pons de l’Hérault, l’interrogeaient sur les faits dont il avait été témoin : on pourrait croire que c’est une défaite. Mais il l’a à mainte reprise affirmé aux siens, regrettant d’ailleurs et se reprochant cette négligence : aussi a-t-il scrupuleusement tenu journal de son voyage à Sainte-Hélène en 1840. Chose décisive même, il l’a répété à ses compagnons de Sainte-Hélène, — qui là-dessus devaient savoir à quoi s’en tenir, et, le cas échéant, l’auraient facilement convaincu de mensonge.

Le docteur Poumiès de la Siboutie n’a donc pas pu lire un journal qui n’existait pas. J’imagine qu’il aura été victime de quelque superposition de souvenirs : ce qu’il aura vu, rue du Dragon, c’est peut-être le journal tenu par quelque compagnon de Saint-Denis, — Archambault, Noverraz, Santini ou un autre, — journal que Saint-Denis aura eu entre les mains et aura consulté pour contrôler ses souvenirs.